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AVERROÈS

« Le titre qui eût le mieux convenu à ce livre ’, c’est celui de Destruction tout court, ou bien encore de Destruction d’Al Gazàli, et non celui de Destruction des Philosophes ; et, plug exactement encore, eût-on pu le désigner ainsi : De la différence entre la vérité et les discours chancelants des Motékallémin prétendant que Dieu est le créateur du Monde et que le Monde en est l’œuvre et le produit. »

« Al Gâzâli a mis au compte des Philosophes une supposition qui n’était pas la leur 2 ; il a tiré de là toute la vigueur de sou argumentation ; comme il n’a trouvé personne pour Lui opposer une véritable réponse, il s’en est grandement réjoui et, de là, il est tombé dans une multitude d’inconséquences qui découlent de cette fausse supposition. Le sot se réjouit toujours de sa sottise. Omnis stultus stullilia sua ketalur. »

« Qu’Al Gâzâli doute île ces choses, cela n’est pas convenable de la part d’un homme tel que lui En elfet, il n’échappera pas à l’une de ces deux alternatives : Ou bien il avait, de toutes ces choses, une connaissance conforme à la vérité, et il les a présentées ici contrairement à la vérité ; cela, c’est une œuvre d’homme dépravé. Ou bien il n’en a pas eu l’intelligence véritable, et les doutes qu’expose sou discours ont pour cause réelle la non-intelligence delà Science ; cela, c’est une œuvre d’ignorant. Loin de nous l’intention d’appliquer à cet homme l’une ou l’autre de ces deux dénominations ; toutefois, les honnêtes gens ne peuvent éviter de le tenir eu médiocre estime ; mais ce qui est lopprobre d’AI Gazàli, c’est d’avoir composé un pareil livre. »

La Destruction des destructions apparaît donc, tout d’abord, comme la riposte violente d’un philosophe que les attaques d’AI Gazàli contre la Philosophie ont mis hors de lui. Mais le lecteur ne tarde pas, en outre, à y reconnaître un perpétuel malentendu. Nourri de la lecture des livres d’Aristote, Averroès n’entend que le langage péripatéticien ; à chaque terme, il donne le sens étroitement défini, et souvent si différent du sens vulgaire, que le Philosophe lui attribue. Al Gazàli parle une autre langue, la langue néo-platonicien ne ; grâce à Ibn Sinâ, grâce à Al Gazàli lui-même, cette langue ne le cède guère en précision à celle d’Aristote ; elle aussi attribue à chaque terme une signification bien i* Averrois O/j. Pars prima, Disputatio II, in fine. 2. Averrois O/a ZaucL, Pars prima, Dîsputatîo ÏIL, réponse au trente-neuvième : Ait Algazel.

3. Averrois Op. ZaucL, Pars prima, Disputatio I, réponse au trente-deuxième : Ait Algazet.