Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/523

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
517
AVERROÈS

Al Gazâli vient de citer 1 2 ce que les Philosophes, c’est à dire les tenants du Néo-platonisme d’Avicenne, disent de la Cause du Monde. Il a pris le mot cause au sens très précis que lui donnent Proclus et Avicenne ; par ce mot, il a entendu l’être de qui la chose causée tient son existence même. Or, d’une telle cause, il n’y a pas trace dans la Métaphysique d’Aristote ; le mol cause n y a pas et n v peut pas avoir ce sens ; en effet, selon cette Métaphysique, une chose peut passer de 1 existence en puissance à l’existence actuelle, et cela par F effet d’une cause efficiente ; mais le passage du non-être absolu à l’existence et, partant, Faction d’une cause créatrice, sont inconcevables. Voici donc langue

de comprendre le discours qu’Al Gazâli prête aux Philosophes ; aussi son embarras se trahit-il

la

réponse : « C’est là un discours de rhéteur et non pas un discours véridique. Le ferme de cause, en effet, se dit d’une manière équivoque de quatre causes différentes, de l’agent, de la forme, de la matière et de la tin. Si donc la réponse des Philosophes était telle que le dit Al Gazâli, ce serait une réponse enveloppée. Car nous leur demanderions de quelle cause ils veulent parler lorsqu ils disent qu il faut au Monde une Cause première. » En toutes circonstances, donc, Averroès refusera d’engager le combat sur le terrain où Al Gazâli l’a porté contre la Philosophie. A la destruction, il abandonnera volontiers la Métaphysique d’Avicenne, oit il ne voit que raisonnements vagues, incapables de résister à la contradiction. Ce qu’il va défendre avec un acharnement jaloux, c’est l’antique Philosophie d’Aristote et de ses commentateurs péripatéticicns ; il montrera que les objections d’Al Gazâli tombent sans force au pied de cette enceinte : « Les discours vraiment démonstratifs s, on les trouve dans les livres que les Anciens ont écrits au sujet de cette science, et, particulièrement, dans le livre du Premier Sage. Quant à ce qu’ont pu dire Avicenne et les traités écrits à l’usage des Maures..., c’est seulement de l’ordre des discours probables ; ces discours, en effet, sont composés de propositions générales, et non de principes propres à la nature du sujet dont ils spéculent. »

Avec une triomphante insistance, Averroès ne cessera de constater que les opinions reprochées par Al Gazâli aux Philosophes 1. Avehrois Op. /and,, Pars prima, Disput. IV, réponse au second ; Ait Algazel,

2. Av En rois O/ ?, laud., Pars prima, Disputatio VI, réponse au troisième : Ait AJçazel.