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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

dans la pensée du Stagirite, interpréter cette pensée dans un sens

qui exclue toute alliance possible avec les doctrines admises par l’Ecole d’Avicenne ; telle est l’œuvre à laquelle Averroès se consacre, convaincu qu elle peut seule restaurer la Philosophie cl la mettre, désormais, à l’abri des attaques des Motékallémin. L UNITÉ DE L INTELLIGENCE HUMAINE. 1HN UADJA Qu’on puisse solliciter renseignement d’Aristote cl des philosophes hellènes dans un sens qui leur permettrait de s’accorder avec les enseignements de la Théologie, c’est, pour Averroès, sujet de vive indignation. A propos de la théorie de lame humaine, nous allons entendre l’éclat de cette indignation. Avicenne professait, au sujet de l’àme humaine, des doctrines qui pouvaient, en nombre de points, s’accorder avec les dogmes religieux.

« Avicenne admettait 1 2 que les Ames sont multiples et que leur nombre est le même quo celui des corps. Qu’une ànie unique, en etfet, existât dans tous les individus, il en résulterait, selon lui, de nombreux inconvénients, parmi lesquels celui-ci : Ce que sait Socrate, Platon doit le savoir, et ce que Platon ignore, Socrate l’ignore également. »

« Les Ames humaines, selon les Philosophes1, sont des substances qui existent par elles-mêmes, qui ne sont ni corps ni matière ni choses adéquatement incorporées à la matière ; or, elles sont innovées, selon ce que prétendent Avicenne et ceux qui tiennent son enseignement pour vrai. »

1. Averrois Op. laud.. Pars altéra, Disputatio III. Renan (.1 /vvv’nrxe/ Z’/l/wroto /nr, p. io5) écrit : « (/argument sans cesse répété contre la théorie avecroïste par Albert, saint Thomas : Eh quoi ! la même urne est donc à la fois sage et folle, gaie et triste ; cet argument, dis-je, qu’Averroès avait prévu et ré/h/é, serait alors péremptoire, et aurail suffi pour balayer cette extravagance du champ de l’esprit humain dès le lendemain de son apparition. » A la suite du mot ré/tf/é, que nous avons mis en italiques, Renan insère un renvoi qui nous reporte à la note suivante : Des/r. /Ms//’, pars ah., disp. Ilfa, f. 35o. A l’endroit ainsi désigné, on 11e trouve rien qui ail trait à l’argument en question, si ce n’est le passage que nous avons reproduit dans le texte. Ce que Renan a pris pour une réfutation qu’il mettait au compte d’Aveiroès, c’est l’exposé de l’objection l’aile par Avicenne. Comment donc Renan lisait-il les textes dont il parlait ?

2. A ver rois Op. Zand., Pars prima, Disputatio ï, trente-deuxième ; Ait AlgazeL