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AVERROÈS

existe une Intelligence active éternelle ; cette Intelligence, identique à sa propre essence spécifique, est naturellement unique et exempte de matière ; elle est l’essence spécifique de toutes les intelligences spéculatives que les hommes portent en eux. A ce raisonnement, lbn Bâdja en joint un autre, afin de mieux prouver que l’Intelligence active est la même pour les hommes. Dans un concept, ia multiplicité numérique ne se rencontre qu’en vertu des images qui servent de support, de sujet à ce concept, images qui diffèrent d’un individu à l’autre. La notion de cheval n’est pas la même chez vous et chez moi, parce qu’en cette notion, l’essence du cheval, le cheval intelligible est uni à certaines représentations qui ne sont pas les mêmes dans votre imagination et dans la mienne. Mais si une essence intelligible n a pour support aucune image, elle est nécessairement la même en tous les hommes. Or telle est l’essence de l’intelligence spéculative.

Ces argumentations rtc nous conduisent pas seulement à déclarer que l Intelligence active existe ; elles nous font encore reconnaître qu elle est l’essence spécifique des intelligences spéculatives individuelles. Comme Tliémistius, dont la pensée a maintes fois inspiré toute cette théorie, lbn Bâdja identifie l’essence avec la forme. L’Intelligence active est donc la forme de l’intelligence spéculative 1 comme l’imagination en est la matière. Lorsque, par l’abstraction, l’intelligence spéculative extrait les concepts du sein des images où ils existaient en puissance, cette intelligence, qui est l’intelligence individuelle de chacun de nous, resserre et rend plus intime son union avec sa forme, qui est l’intelligence active. L’union de notre individu avec l’intelligence active3 est, pour lbn Bâdja, l’effet et le terme de la compréhension des idées abstraites ; c’en sera le principe pour Averroès. Il y a donc en l’homme ’, au gré du premier de ces philosophes, une Intelligence qui est la même pour tous les hommes, et. une intelligence qui est multiple et particulière à chacun de nous ; mais ce sont deux intelligences distinctes. La première est l’intelligence active, la seconde est l intelligeuce spéculative ; celle-ci nait et périt avec nous ; celle-là seule, qui est l’essence spécifique de l’intelli gence humaine, demeure éternellement. Il semble, nous a dit Averroès, que le problème de l’union de Vàme liumainc avec

l’intelligence

active n’ait pas cessé, même

1. Averrois

2. Averrûis

3. Averrûis

Op. laud.,

Op laud.,

Op. laud.,

lit». m , su tn ma

lib. II ! , summa

lib. 111 j su min a

ï, cap. I, cumul. 5, circa finem.

L cap. V, connu. 36, circa finem.

Ij cap. I, eomrn. 5, circa finem.