Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/536

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
530
LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

qu’elle conçoit présentement ; mais elle demeure intelligence en puissance par rapport aux autres intelligibles*. Ces mêmes formes universelles, l’homme les peut concevoir non plus en les abstrayant des formes singulières engagées dans la matière, mais telles qu elles sont en elles-mêmes, à titre d’intelligibles en acte ; à l’égard de cette nouvelle connaissance, l’intelligence en acte sc comporte comme l’intelligence en puissance se comportait à l’égard de la première ; les intelligibles en acte vont être, pour cette intelligence en acte, comme des formes qui ramèneront à un degré plus élevé8. « Ainsi donc, lorsque l’intelligence en acte pense les choses intelligibles, qui sont scs formes en tant qu’elles sont intelligibles en acte, cette même intelligence, que nous avons appelée d’abord Intelligence en acte, est désormais F intelligence acquise, »

Cette intelligence acquise est apte, à son tour, à penser les formes entièrement séparées de la matière ; ces nouveaux intelligibles vont se comporter comme des formes à l’égard de l’intelligence acquise, et celle-ci sera pour elles comme une matière « Quand le philosophe* sera arrivé à la tin dernière, c’est-à-dire quand il comprendra, dans toute leur essence, les intelligences simples et les substances séparées, il sera lui-même une d’entre elles ; on pourra dire de lui, à juste titre, qu’il est un être divin. » A cette intelligence humaine, devenue intelligence séparée, intelligence divine, Ibn Bâdja garde le nom d’intelligence acquise ou émanée.

Lorsque l’intelligence a conquis, de cette manière, la connaissance de tous les intelligibles en acte, aussi bien des formes hyliques universelles que des formes incapables de s unir à aucune matière, elle peut franchir un dernier degré ; elle peut se penser elle-même*. Alors, l’essence spécifique de l’homme se connaît elle-même telle qu’elle est, comme un intelligible en acte, unique pour tous les hommes, qui comprend en soi-même et ramène à l’unité toutes les autres formes spécifiques, tous les autres intelligibles eu acte. Or cette intelligence unique qui se connaît elle-même et, par là, connaît toutes les formes universelles indentifiées avec sa propre forme, qu’est-ce, sinon 1 Intelligence séparée, V Intelligence active ?

r. S. Munk, Op. laud., pp. 406-407.

2. S. Munk, Op. laud., p. 4°7.

3. S. Munk, Op. laud., p. 4°6-

4- S. Munk, Op. laud., p. 3g8.

5. S, Munk, Op. laud., p. 4o3,