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AVERROÈS

En tout ce qui touche la nature des cieux et <le leurs moteurs, ces enseignements d’Aristote sont d’une extrême brièveté ; cette brièveté et l’hésitation que le Stagirite trahit parfois montrent assez qu’il n avait pu, de ces sujets, créer une doctrine qui le satisfit pleinement. Sa Métaphysique n’est vraiment systématique, vraiment détaillée qu en ce qui touche aux êtres sublunaires, aux choses soumises à la génération et. à la destruction. Quant aux êtres qui résident au delà de la concavité de l’orbe de la Lune, elle semble n’en parler qu’avec une timide réserve, et ce qu elle en dit a surtout pour objet de montrer à quel point ces êtres-là diffèrent des êtres périssables.

C’est l’étude des changements qui se produisent en ces êtres périssables, c’est l’analyse de leur génération et de leur corruption, qui ont conduit le Stagirite à la notion la plus caractéristique de toute sa Philosophie, à la notion de matière. Cette notion, c’est avec d’infinis ménagements qu’il l’étend à ces corps éternels qui sont les orbes célestes. Incapable de changer de figure, de se condenser ou de se dilater, n’ayant pas commencé et ne pouvant cesser d’être, un corps céleste n’a rien, en lui, ni accident, ni substance, qui ne soit en acte ; il n’est en puissance de rien, sinon d’un lieu différent de celui qu’il occupe présentement ; c’est grâce à cette puissance qu’il peut être éternellement en mouvement ; cette puissance-là, cette capacité à changer de lieu, « rien n’empêche, o’jGèv xwXûet » 1 2 que ce ne soit la Matière du corps céleste. On pourra donc, dans ces corps éternels, concevoir aussi une Matière ; mais cette Matière-là, ce sera seulement la faculté d être maintenant ici et là tout à l’heure, raMhv toï, ce sera une puissance de lieu, une Matière locale, ûXr, to-ix-/ ; *, absolument distincte de la puissance à changer de forme, tant substantielle qu’accidentelle, qui constitue la Matière des êtres sublunaires. C’est, pour ainsi dire, d une manière incidente que le Stagirite parle de cette Matière locale des corps célestes. Il n’est guère plus explicite au sujet des Intelligences qui meuvent les orbes. La nature décos Intelligences, les analogies ou les différences qu elles peuvent présenter avec celle (pii éclaire notre raison demeurent, pour le lecteur de la Métaphysique, singulièrement mystérieuses. Nous avons vu comment, à ces théories à peine ébauchées par Aristote, les Néo-platoniciens arabes avaient substitué un système 1. Aristote, Métaphysique, Livre VHJ, ch. VIII (Aristotelis Opéra, éd. Dîdot, t. II, p. 5yi ; éd. Becker, vol. II, p, io5o, coL h). 2. Aristote. A/étaphysique, Livre H, ch I (Aristotelis Operatéd. Didot. t. II, p. 558 ; éd, Becker, voL 11, p. 10Z42, col. b).