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AVERROÈS

lors, il en est de même de ce qui est mû toujours et d’une manière continue, en sorte que le Ciel est unique. » Le principe qui fait la force de raisonnement, nous le retrouvons ailleurs1, énoncé sous cette forme : « Eu toutes les choses dont la substance est dans une matière, nous voyons qu’il existe des individus de même forme, multiples et en nombre illimité.— stt’.v, xxi

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« Ce qui fait la différence individuelle, dit encore Aristote1, c’est la forme dans la matière» — *E«f- 3ta®opà to elSo ; £v ukip. »

Il semble donc bien qu’Averroès ait pensé en fidèle Péripatéticien lorsqu’il a regardé la subdivision de la matière comme la cause nécessaire de la multiplicité des individus au sein d’une meme espece, définie par une même forme substantielle’. Il pourra, sans se mettre en contradiction avec Aristote, tirer cette conclusion4 : il faut donc, pour qu’il puisse exister plusieurs individus de meme espèce} que la Matière première, par elle-même, et indépendamment de la forme substantielle qui la fait exister en acte, soit divisible, qu’elle ait quantité, qu’on puisse la partager par la pensée, qu’elle ait ces trois dimensions indéterminées si soigneusement définies par Avicenne.

Les dimensions terminées, par lesquelles un corps a telle longueur, telle largeur, telle profondeur, ne sont pas, elles, dans la Matière première ; la Matière première les reçoit en même temps quelle revêt la forme substantielle. Mais il n’en est pas de même des dimensions indéterminées qui suffisent à caractériser le corps : « Ces dimensions simples» qu’on appelle le corps simple, 11e peuvent pas être dépouillées de la Matière première* » Si la Matière première ne possédait pas en elle -même les dimensions indéterminées, elle 11c serait pas divisible ; si elle n’était ï. Aiustotelis Dr Ccelo lib. I, cap» IX (Aiustotelis Opéra, éd. Diiiot, L 11, p. 38t ; éd. Becker, voL I, p. 278, ool, a J. 2. Aiustotelis De parti bus animal iuiïl hb. 1, cap HI (A eus totems Opéra* éd. Didol l* 111, p. 224 ; éd, Becker, vol I, p. 643, col. a). 3. On peut, cependant, aux textes que nous venons de citer, opposer d’autres textes où Aristote semble placer dans la forme le principe d’individuation. Aussi s’est-il trouvé des auteurs pour soutenir que telle était la véritable pensée d’Aristote et même d’Averroès. « /ndioidaum fit hoc per forma ni* » dît Zimara iMarcI Antûnu Zihàre P/HÏûsqp/w consummatissimi Tabula dilucidationum in dictes Aristotelis et Aaerrois, Opus toculentissimum, et nanc opéra cujusdam Adolescent is, Vtrtusque linguœ périt issimi recoffnitum, et in lucem summa cura et diliqentia asditum. Vendus, Apud Hieronymum Scotum, MDLVL FoL 77, col d, et fol. 78, col. a).

4. Averrois CûRWüEysrs Sermo de substantiel orbis, cap. I.