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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

qu’il ait commis cette erreur, contre laquelle il était prémuni par son continuel commerce avec la pensée (lu Philosophe. En aucune circonstance, (lu moins à notre connaissance, il ne lui est arrive I

d’invoquer l’autorité du Livre des Causes dont, sans doute, il avait percé à jour la nature apocryphe. Si donc, dans la doctrine que nous venons (h* rapporter, il s’est inspiré du Livre des Causes, il n’ignorait pas qu’il délaissait Aristote pour un autre maître. L’Intelligence active, au gré d’Averroès, est toute semblable à celle que la Théologie d’Aristote, qu Avicenne, qu’Al Gazàli avaient imaginée à la suite d’Alexandre d’Aphrodisias ; LIntelligence passive est de cette nature, analogue à la matière, que le Livre des Causes nommait hyliathis. Les principes à l aide desquels le Commentateur de Cordoue va construire sa théorie de l’Ame sont donc dos principes purement néo-platoniciens ; ils vont imprimer sur toute cette théorie le sceau dont ils sont marqués. Selon Thémistius, l’intelligence acquise liait de l’union de l’intelligence en puissance avec 1 Intelligence eu acte, comme la substance est engendrée par l’union de la matière et de la forme ; Thémistiuspensait que c’était là l’opinion même d’Aristote, et peut-être y avait-il quelque vérité dans cette affirmation. Mais ce n’est pas de la sorte qu’Averroès conçoit la formation de l intelligence acquise. ■ .

Si nous voulons bien comprendre la théorie proposée par le Commentateur de Cordoue, il nous suffit de relire le Livre des Causes ; d’entendre ce livre déclarer qu’en F Ame, il y a existence, être (esse, eus) et forme ; que l’existence de l’Ame, qui est sa hyliathis, est une certaine puissance, une certaine disposition à recevoir des formes ; que ces formes, par lesquelles les possibilités de la hyliathis sont mises en acte, sont imprimées dans l’Ame par l’opération de 1 intelligence première ; que ces formes imprimées dans l’Ame ne sont pas l’intelligence, encore (pie les mêmes formes soient à la fois dans l’intelligence et dans l’Ame, i J1

car elles y sont d une manière différente ; que ccs formes sont, dans rintelligence, des essences unes et immobiles, niais qu elles sont imprimées et reçues dans l‘A me, qu’elles sont connues par l Ame de la manière qui convient à cette Ame, c’est-à-dire comme diverses et changeantes. Nous aurons ainsi connaissance du plan sur lequel est construit le système d’Averroès. Les formes universelles et abstraites sont en puissance dans rintelli gence matérielle. L’opération de 1 Intelligence active les fait passer de la puissance à l’acte ; par là, puisque l’acte est plus parfait que la puissance, elle perfectionne l intelligence matél J