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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

Cette première tentative devait appeler sur Jean de Murs l’attention d’un pape désireux de rétablir une exacte évaluation des temps. Or Clément VI, qui porta la tiare de 1342 à 1352 et qui résida en Avignon, paraît avoir résolument abordé l’œuvre que Roger Bacon avait proposée à Clément IV. C’est sur son ordre qu’en 1345, Jean de Murs et Firmin de Belleval écrivirent un traité « Sur la réformation de l’ancien calendrier. » Un texte que nous aurons à citer plus loin nous apprend que ce traité fut rédigé dans la ville d’Avignon où, nous le verrons aussi, les deux astronomes parisiens avaient été mandés pour cet objet. « C’est, dit M. Ferdinand Kaltenbrunner [1], le premier traité sur la réforme du calendrier qui soit venu à ma connaissance. » Il mérite assurément que nous nous attardions quelque peu à l’étudier.

Il débute par une épître dont le titre en est le suivant [2] :

« Incipit epistola super reformacione antiqui Kalendarii directa domino pape Clementi VIo per venerabiles et solemnes astrologos et magistros Johannem de Muris et Firminum de Bellavalle anno domini 1345o. »

Voici le texte de la lettre que nos deux « solennels astrologues » adressent au pape ;

« À notre très saint père et seigneur dans le Christ, Monseigneur Clément VI, souverain pontife de la sacro-sainte Eglise romaine et universelle, nous, ses humbles et dévots fils, Jean de Murs et Firmin de Belleval, prosternés à ses pieds bienheureux pour les baiser, nous présentons ce petit livre.

» Ô quelle grande joie nous devons célébrer, nous, les brebis du Seigneur, lorsque nous voyons l’Église de Dieu gouvernée par un tel pasteur qui veut, non seulement, porter entièrement remède à l’infirmité présente, mais qui prend soin, en outre, de mettre obstacle aux périls des maladies futures, périls que son intelligence lui fait connaître d’avance.

» Votre très subtil examen Vous a fait reconnaître certains défauts dans le calendrier dont usent tous les véritables catholiques ; si l’on n’y portait remède, ces défauts pulluleraient à tel point que, dans l’avenir, les brebis qui composent votre très saint

  1. Kaltenbrunner, Op. laud., p. 315.
  2. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 15104, fol. 50, vo. Le copiste a écrit : Johannem de Lineriis de Muris, puis il a mis sous les deux mots de Lineriis la suite de points qui équivalait alors au biffage. Cela ne l’a pas empêché, quelques lignes plus bas, dans le texte, de retomber en la même inadvertance et d’écrire encore Johannes de Lineriis au lieu de Johannes de Muris. Les nombreux manuscrits de Vienne, cités par M. Kaltenbrunner (Op. laud., p. 316) comme contenant ce traité, l’attribuent tous à Jean de Murs et à Firmin de Belleval, et nullement à Jean des Linières.