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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES

Jean de Murs et Firmin de Belleval se déclarent donc prêts à réaliser, si le pape le désire, la refonte totale du calendrier. Clément VI ne les suivit point et n’accomplit pas cette réforme dont il laissa la gloire à Grégoire XIII. Il est permis de le regretter. La durée que les Tables Alphonsines donnaient à l’année tropique diffère extrêmement peu de la durée qui lui est, aujourd’hui, attribuée ; la première de ces durées ne surpasse la seconde que de 28,5275 secondes : c’est seulement au bout de 3.028 ans que le calendrier fondé sur l’usage des Tables Alphonsines se trouverait, par rapport au calendrier exact, en retard de plus d’un jour.

D’ailleurs, la commission instituée par Grégoire XIII et présidée par le Jésuite Christophe Clavius prit exactement, pour ses calculs, la même base que Jean de Murs et Firmin de Belleval. « L’équation de l’année solaire, écrit Clavius dans son Explication de la réforme grégorienne du calendrier [1], a été rapportée à l’année moyenne comme si, en chaque durée de 131 ans, l’équinoxe avançait d’un jour vers le commencement du mois. » C’est dire qu’entre la réforme proposée par Jean de Murs et Firmin de Belleval et la réforme décrétée par Grégoire XIII, l’écart eût été rigoureusement nul.

La « réparation » du calendrier eût donc pu être édictée par le pape deux siècles et demi avant le temps où elle le fut ; à ce moment, l’unité religieuse de l’Europe occidentale n’avait pas encore été détruite par la Réforme ; le nouveau calendrier, imposé par le pontife romain, eût été adopté par toutes les nations de la Chrétienté latine sans rencontrer les longues résistances qu’il eut plus tard à surmonter,

Il faut reconnaître, d’autre part, que Clément VI pouvait faire valoir de sérieuses raisons contre la proposition de Jean de Murs et de Firmin de Belleval ; défectueuses en beaucoup de points, les Tables Alphonsines n’étaient point sans exciter la méfiance de nombre d’astronomes ; la grande approximation avec laquelle, par un heureux hasard, l’année solaire s’y trouve évaluée, pouvait très justement être mise en doute ; et peut être le pape se

  1. Romani calendarii a Gregorio XIII P. M. restituti explicatio S. D. N. Clementis VIII P. M. jussu edita, Auctore Christophoro Clavio Bambergensi Societatis Jesu. Romae, Apud Aloysîum Zanettum, MDCIII Cap. VII, p. 96. — Sur les raisons qui ont déterminé ce choix, voir : Novi Calendarii Romani Apologia, Adversus Michaetem Mœstlinum Gœppingensem, in Tubingensi Academia Mathematicum, tribus libris explicata. Auctore Christophoro Clavio Bambergensi e Societate Jesu Romæ, Apud Sanctium, et Soc. MDLXXXVIII, Lib. 1, cap. V, p. 39. Aux pp. 44-46, Clavius compare la règle adoptée par la commision Grégorienne avec la règle qui consisterait à supprimer, tous les 134 ans, un jour à l’année Julienne.