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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES

définitivement jugé ; la théorie des sphères homocentriques ne méritait même plus l’honneur d’une mention.

Le souci de ces astronomes avait un autre objet ; ce qui les préoccupait, c’est le système que les calculateurs d’Alphonse de Castille avaient proposé pour représenter le mouvement lent des étoiles fixes et des apogées des planètes, système qui était en train de supplanter l’hypothèse plus simple de l’accès et fin recès, comme celle-ci, grâce à Al Zarkali et aux Tables de Tolède, avait supplanté l’hypothèse ptoléniéenne de la perpétuelle précession. Aussi le seul chapitre vraiment intéressant, dans la Theorica planetarum de Jean des Linières, le seul qui renferme des discussions et laisse soupçonner des hésitations, c’est le chapitre relatif aux mouvements de la huitième et de la neuvième sphères[1].

Au sujet du mouvement de la sphère des étoiles fixes, « il est, dit Jean des Linières, une imagination fameuse que Thébit a décrite en son traité Du mouvement de la huitième sphère. » Après avoir exposé à son tour ce système de l’accès et du recès, il ajoute : « Mais, bien que ladite manière d’imaginer le mouvement des étoiles fixes et des auges des planètes soit très répandue et qu’elle ne soit que trop fameuse, j’estime cependant qu’elle ne sauve ni pour l’un ni pour l’autre de ces deux mouvements les variations apparentes. »

Que l’hypothèse de Thâbit ne puisse rendre compte des faits constatés, cela résulte de la détermination des positions successives occupées depuis Hipparque par le point équinoxial d’automne : « Dans les temps modernes[2], savoir en l’an 1335 du Christ, ce point se trouve déplacé, à partir susdit du point d’égalité, de plus de 14° dans le signe de la Balance, en sorte qu’il s’est constamment éloigné vers l’Orient de plus de 21° de sa position primitive. »

Or, de son système, Thâbit avait formellement déduit ce corollaire[3] : « La plus grande élongation qui puisse exister entre l’une des intersections de l’écliptique mobile avec l’équateur et la tête soit du Bélier, soit de la Balance, est de 10° 45′ vers le Nord et autant vers le Sud. » Après avoir constaté qu’en l’année où il écrit, cette élongation a dépassé 14°, Jean des Linières est assurément, en droit de déclarer : « Je regarde l’opinion[4] qui s’attache à la susdite imagination comme dénuée de toute évidence, car, dans sa partie la plus importante, elle est en désaccord avec les expériences reçues.

  1. Ms. cit., fol. 166, ro à fol. 167, ro.
  2. Ms. cit., fol. 166, vo.
  3. Voir : Première partie, Chapitre X, § VIII ; t. II, p. 243.
  4. Ms. cit., fol. 166, vo, et fol. 167, ro.