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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

» D’ailleurs, cette hypothèse s’accorde assez peu avec la raison ; il en résulte, en effet, qu’il existe un corps mobile dont le mouvement propre n’est ni droit ni circulaire ; et cependant, d’après cette hypothèse, il faut bien supposer qu’il en est ainsi de la sphère des étoiles fixes, car cela se montre évidemment en la figure de ce mouvement.

» Les raisons que Thébit invoque pour rendre son hypothèse évidente sont les suivantes :

» En premier lieu, cette imagination sauve les alternatives de vitesse et de lenteur qui s’observent dans le mouvement des étoiles fixes et des apogées des planètes.

» En second lieu, cette imagination sauve la variation qui a été trouvée dans la déclinaison maximum du Soleil ; la tradition reçue des Indiens nous apprend, en effet, que la déclinaison maximum du Soleil était de 24° ; Ptolémée l’a trouvée égale à 23° 51′, par d’autres observations, faites à des époques postérieures, on l’a trouvée égale à 23° 33′, etc.

Quant à la première preuve invoquée par Thébit, j’accorde que cette imagination entraîne bien une variation assez notable dans le mouvement en longitude des étoiles et des apogées des planètes ; mais elle ne sauve pas la variation observée aux diverses époques, depuis le temps de Ptolémée et des anciens jusqu'à notre époque ; ce qui a été dit précédemment, l’a déjà rendu évident pour une part ; pour le reste, je l’expliquerai avec des détails suffisants dans un traité distinct.

» Quant à la seconde preuve, tirée de la variation [de l’obliquité de l’écliptique], admettons que la variation des temps entraîne une variation de la déclinaison maximum du Soleil et que cette imagination sauve la diversité des valeurs trouvées aux diverses époques pour cette déclinaison ; il n’en résulte pas du tout que cette imagination soit vraie ni que le mouvement qu’elle admet soit possible dans la nature, alors que de cette hypothèse découlent d’ailleurs, de nombreuses impossibilités. L’argument de Thébit, est directement lié à la fable ; ce n’est pas un raisonnement conséquent que celui-ci : Telle variation a été trouvée dans la déclinaison maximum du Soleil, donc elle provient de tel mouvement ; car une semblable variation peut également provenir de tel autre mouvement qu’on imaginerait.

» Quelle opinion faut-il donc tenir au sujet du mouvement des étoiles fixes et des apogées des planètes ? Je ne trouve aucun auteur qui l’ait écrit d’une manière suffisante. Je crois, toutefois, qu’il leur faut attribuer un double mouvement. » Jean des Linières