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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES

même main, se retrouve ailleurs ; le troisième chapitre de l’ouvrage est intitulé [1] : De determinatione falsitatis tabularum Alfonsii ; en marge de ce titre, nous lisons : « Hic incipit de Cusa, hoc opus sibi ascribens. »

En effet, l’opuscule intitulé : Correctio tabularum Alfonsii qu’on trouve imprimé dans les œuvres de Nicolas de Cues est formé d’un très long extrait du traité que nous allons analyser, suivi de deux fragments dont l’un est emprunté à un écrit de Guillaume de Saint-Cloud, l’autre à une œuvre de Henri Bate [2]. Il ne faut pas, croyons-nous, voir ici un plagiat commis par Nicolas de Cues ; une note trouvée parmi ses papiers, et dont, sans doute, il n’a jamais songé à se dire l’auteur, a été étourdiment imprimée par les éditeurs de ses œuvres.

« Il nous semble utile, à moi et à nous tous qui consacrons nos sueurs à conquérir la science des astres, avant de rien juger au sujet des effets produits par les mouvements célestes, d’examiner au préalable si les instruments et, en particulier, les tables dont nous faisons usage pour déterminer les mouvements des étoiles sont fidèles, et s’ils ne sont pas affectés de défauts capables de nous induire en erreur. » C’est en ces termes que commence [3] l’opuscule sur les Tables Alphonsines.

« Pour nous, continue-t-il, qui sommes aujourd’hui les sectateurs de cette science, nous avons délaissé les Tables de Tolède précédemment admises et les autres tables dérivées de celles-là, car leur défectuosité trop considérable est bien connue, et nous faisons usage des Tables d’Alphonse, roi de Castille ; nous nous fions à ces tables comme si elles étaient entièrement exactes et sauves de tout défaut. Toutefois, nous ne possédons aucun canon perpétuel qui nous permette de les éprouver. Il me paraît donc sensé et fort utile que chacun d’entre nous discute avec grand soin le doute auquel ce système peut donner lieu, savoir : Pouvons-nous nous fier aux mouvements déterminés par ces tables ?

» Il me semble que ces Tables d’Alphonse ne contiennent pas des mouvements stellaires exempts de toute erreur ; bien plus, il me paraît que, depuis le temps d’Alphonse, ces mouvements sont déjà quelque peu en défaut ; c’est pourquoi j’ai l’intention de mettre par écrit les motifs qui m’inspirent cette opinion.

» Ce n’est pas que je me propose, à titre de conclusion ultime, d’arguer ces tables d’erreur, ni que j’en souhaite la destruction ; je

  1. Ms. cit., fol. 173, ro.
  2. Voir § IV, p. 22.
  3. Ms. cit. ? fol. 172, vo.