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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

les astronomes de profession ne fussent pas seuls à observer le cours des astres. Que le désir de se Livrer aux pratiques de l’Astrologie judiciaire contribuât grandement à cette vogue de la Science céleste, cela ne paraît pas douteux ; au besoin, nous en trouverions l’aveu dans les propos suivants de Jean de Saxe [1] :

« Cette partie de l’Astronomie qu’on nomme pratique se subdivise elle-même en deux autres parties.

» De ces parties-ci, la première est la pratique des mouvements célesles considérée en elle-même (absolute). Cette partie nous est connue par les tables astronomiques, telles que les Tables de Tolède ou les Tables d’Alphonse. Par cette pratique-là, nous trouvons seulement les lieux des planètes et des étoiles lixes.

» Il est une autre Astronomie pratique ; c’est celle qu’on nomme pratique des jugements fondés sur le cours et les propriétés des étoiles. Cette partie-là est enseignée dans les livres d’Astronomie judiciaire ; elle est dispersée dans une foule d’antiques ouvrages composés par les sages de l’Olympe.

» Il est impossible d’atteindre jusqu’au principe même de cette subdivision de l’Astronomie qu’on nomme pratique des jugements ; mais nul ne saurait en acquérir quelque connaissance sans recourir à la pratique des mouvements célestes ; la pratique des mouvements, en effet, est la racine et le fondement de la pratique des jugements ; car cette pratique des mouvements, qui use des démonstrations les plus assurées, savoir, des démonstrations géométriques, doit être mise, parmi les sciences naturelles, au nombre de celles qui atteignent au plus liant degré de certitude.

» Nul, au contraire, ne peut, atteindre à la perfection dans lapratique des jugements, sinon celui-là seul dont l’intelligence a été illuminée par un rayon émané du Seigneur ; aussi les savants relèguent-ils cette pratique au nombre des opinions (a sapientibus sub opinionibus est relicta). »

On aime à entendre Jean de Saxe déniant à l’Astrologie judiciaire la certitude à laquelle peut prétendre l’Astronomie fondée sur les observations et développée par le raisonnement géométrique. Toutefois, s’il la met au rang des opinions sujettes au doute, il ne va pas jusqu’à la traiter de préjugé. Il la délaissera, cependant, dans l’ouvrage qu’il se propose d’écrire.

« C’est donc la première partie, celle qu’on nomme pratique des mouvements, que je veux exposera laide d’exemples. »

  1. Ms. cit., fol. 113, ro.