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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

toujours exactement conduits ? Son habileté semble, parfois, s’être trouvée en défaut. Au second des exercices qu’il exécute, il trouve un résultat en désaccord avec certaines opinions reçues et, naturellement, il en conclut que l’erreur est au compte de ses prédécesseurs. Ce n’est pas l’avis de l’un de ceux qui, au Moyen Âge, ont eu en mains le manuscrit que nous avons lu ; ce lecteur, en effet, inscrit en marge [1], à l’adresse de l’auteur, cette rude apostrophe : « Infaillibiliter ipse erravit. Iste fuit unus vere asinus ! »

La réputation de Jean de Saxe auprès des astronomes laisse croire que cette boutade, provoquée par une erreur accidentelle, deviendrait, si l’on y voulait ajouter foi, le plus injuste des jugements.

En 1355, donc, l’Astronomie était, à Paris, l’objet d’un enseignement régulièrement constitué ; après avoir composé des traités et des manuels où fussent présentées les théories essentielles de la Science des astres, les maîtres formaient des recueils d’exercices, afin d’habituer les écoliers au maniement des tables. Nous devons supposer que ces écoliers, objets de tant de sollicitude, étaient nombreux ; mais nous ne pouvons oublier qu’en aucun temps, une science n’a recruté beaucoup d’adeptes à moins d’être apte à leur assurer quelque profit ; la soif de la vérité pour la vérité a toujours été beaucoup moins puissante que l’appât du lucre ; or, il n’était guère, au Moyen Âge, qu’une manière de battre monnaie avec ses connaissances astronomiques ; c’était de tirer des horoscopes ou de formuler des pronostics médicaux ; vraisemblablement, donc, les écoliers qui, à la Faculté des Arts, s’exerçaient à l’aide des exemples recueillis par Jean de Saxe, se proposaient, pour la plupart, d’employer les Tables d’Alphonse X et les Canons de Jean des Linières à des besognes d’Astrologie judiciaire.

Jean de Saxe, d’ailleurs, secondait de son mieux cette vocation. À l’usage des astrologues, il commenta l’Introductorium ad judicia Astrologiæ composé, vers le milieu du xe siècle, par l’astronome arabe Abd el Aziz al Kabiti, que le Moyen Âge nommait Alchabitius. Un manuscrit de la Bibliothèque vaticane, qui contient le commentaire de Jean de Saxe, porte ce colophon [2], où nous voyons que cet ouvrage fut écrit, à Paris, en 1331 :

Explicit scriptum super Alkabicium Introductorium ad Juditia

  1. Ms. cit., fol. 116, vo.
  2. B. Boncompagni, Op. laud., p. 374.