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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

dent rendre compte du mouvement lent des étoiles fixes et des apogées des astres errants ; les Tables de Tolède sont les plus récentes de celles qu’ils ont en mains ; c’est pour soumettre ces tables au contrôle des faits que Guillaume de Saint-Cloud, observateur consommé, exécute des mesures d’une remarquable exactitude.

Vers l’an 1300, au temps où fleurit Henri Bate de Malines, la connaissance des Tables Alphonsines se répand a Paris, et Guillaume de Saint-Cloud en est peut-être informé le premier ; l’étude de ces tables devient alors le souci dominant des astronomes. Dresser, d’une part, des canons et des tables accessoires qui en facilitent l’usage ; examiner, d’autre part, à l’aide d’observations précises, le degré de confiance qu’il leur faut accorder ; telles sont les deux œuvres auxquelles se consacre, avec une grande ardeur, la pléiade de savants dont Jean de Murs et Jean des Linières tiennent la tête.

Les recherches accumulées par ces astronomes montrent que les Tables Alphonsines sont loin d’être irréprochables ; elles apparaissent, toutefois, moins grossièrement inexactes que les tables employées auparavant ; on en fera donc usage, et Jean de Saxe, continuant l’œuvre de son maître Jean des Linières. s’efforcera de rendre aisé cet usage et d’y former les écoliers. Mais cet usage des Tables Alphonsines n’entraînera pas une entière confiance en l’exactitude des déterminations qu’on en peut tirer ; surtout, il n’entraînera pas une pleine adhésion aux hypothèses que les auxiliaires d’Alphonse le Sage ont prises pour bases de leurs calculs ; ces hypothèses satisfont mal les Parisiens ; ceux-ci éprouvent le sentiment vague que l’explication véritable du mouvement des étoiles fixes et des apogées est encore à trouver ; et la découverte de cette explication leur paraît d’autant plus souhaitable que la nécessité d’une réforme du calendrier se manifeste à leur esprit avec une netteté toujours croissante, suscitant les tentatives de Jean de Murs et de Firmin de Belleval.

Encore quelques années, et l’Université de Vienne va se fonder ; une brillante école astronomique s’y développera, école au sein de laquelle se formeront les Peurbach et les Régiomontanus ; cette école se déclarera avec fierté dépositaire de la tradition parisienne ; et, en effet, chez ses maîtres, nous retrouverons les mêmes soucis et les mêmes aspirations que nous venons de reconnaître en Jean de Murs, en Jean des Linières, en Jean de Saxe.