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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/194

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

force dans un corps, n’admettent aucunement l’idée de nombre, si ce n’est en ce sens qu’elles sont les causes et les effets les unes des autres. »

Cette théorie repose sur ce principe essentiellement péripatéticien que, semble-t-il, le Néo-platonisme avait délaissé : La multiplicité des individus d’une même espèce n’a d’autre raison d’être que la diversité des matières où réside la commune forme de cette espèce.

Forces dans des corps, les âmes des hommes peuvent être, durant la vie, distinctes les unes des autres. Certains philosophes ont cru qu’elles demeuraient encore distinctes apres que la mort les a séparées du corps. « Mais toi[1], tu sais que ces choses séparées, je veux dire celles qui ne sont ni corps ni faculté dans un corps, mais qui sont de pures intelligences, n’admettent en aucune façon la multiplicité, si ce n’est en ce sens que les unes d’entre elles sont la cause de l’existence des autres, de sorte qu’elles ne se distinguent entre elles qu’en ce que telle est cause et telle autre effet. Or, ce qui survit de Zeid n’est ni cause ni effet de ce qui survit à ’Amr ; c’est pourquoi l’ensemble est un en nombre, comme l’a montré Abou Bekr hen al Çâyeg, lui et d’autres qui se sont appliqués à parler de ces choses profondes. » Cet Abou Bekr ben al Çâyeg est le même qu’on nomme Ibn Bâdja, que les Scolastiques latins appelaient Avempace. La théorie de l’immortalité de l’âme, développée en sa Lettre d’adieux, inspira donc également Moïse Maïmonide et Averroès.


F. La non-éternité du Monde.


Dans ce que Maïmonide écrit touchant l’éternité du Monde il ne saurait plus être question d’accord avec Averroès ; bien au contraire, Averroès eût traité ces discussions avec la plus grande sévérité et le plus profond mépris, car elles sont puisées en la Destruction des philosophes d’Al Gazâli, et la source d’où elles proviennent se laisse partout reconnaître.

Rabbi Moïse commence par exposer les preuves invoquées en faveur de l’éternité du Monde. Ces preuves, il les attribue toutes à Aristote, encore qu’Aristote, à son avis[2], ne les ait pas regardées

  1. Moïse Maïmonide, Op. laud., Première partie, ch. LXXIV ; éd. cit., t. I, pp. 434-435.
  2. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, ch. XV ; éd. cit., t. II, pp. 121-126.