De la bouche d’Ibn Gabirol, nous venons d’entendre le principe nouveau qui permettra aux grands Scolastiques chrétiens, à un Saint Thomas d’Aquin, par exemple, de garder presque toutes les affirmations du Péripatétisme au sujet de la matière, et de professer, cependant, le dogme de la création du Monde. À côté de l’existence substantielle, Aristote avait introduit une autre existence. cette existence en puissance qui est celle de la matière : mais, incapable d’exister isolément et par soi, la matière, croyait-il. est toujours dans quelque substance où son union avec la forme lui confère l’existence actuelle. Après Ibn Gabirol, les Scolastique chrétiens admettront que la matière existe aussi séparée de toute forme, non point isolément, sans doute, mais au sein de la Science de Dieu qui, de toute éternité, connaît tous les possibles.
Entre la Substance qui soutient les neuf prédicaments et le Créateur, il faut admettre l’existence de substances intermédiaires, inaccessibles aux sens et purement intelligibles : c’est une des affirmations essentielles de la philosophie d’Ibn Gabirol[1]. Au cours de la théorie où cette affirmation va se développer, les influences néo-platoniciennes qui dirigent les pensées d’Avicébron vont se marquer avec évidence. Dans ces influences, nous pourrons parfois reconnaître celle de la Théologie d’Aristote ; nous verrons surtout, puissante et prédominante, celle du Livre des Causes, dont les idées garderont bien souvent jusqu’au langage même dont Proclus les avait revêtues.
Ces substances simples, rangées dans l’ordre qui va de la moins parfaite et de la moins simple à la plus parfaite et à la plus simple, sont les suivantes[2] : la Nature, les trois Âmes, c’est-à-dire l’Âme végétative, l’Âme sensitive et l’Âme rationnelle, enfin l’intelligence.
Considérons d’abord la première d’entre elles, la Nature, et voyons comment il la faut concevoir.
Les corps particuliers qui composent l’Univers forment un corps