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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/148

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

gante les maîtres Modernes, savoir Buridan, Marsile, etc. ; il représenta publiquement dans les écoles que ces maîtres n’étaient pas vraiment, en Logique, des autorités, mais qu’ils étaient de véritables hérétiques… Il lui fut intimé, sous le sceau du doyen, de jurer qu’il s’abstiendrait dorénavant de tout acte scolaire, sous peine d’exclusion perpétuelle de ladite Faculté. »

En prenant la défense des « maîtres modernes », du Parisien Jean Buridan, de son fondateur Marsile d’Inghen, l’Université de Heidelberg avait pris, du même coup, la défense de la foi. En 1415, le concile de Constance condamnait Jérôme de Prague comme hérétique, pour son obstination à soutenir, dans des actes scolaires publics, la réalité des universaux[1] et les corollaires erronés qui s’en déduisent.

L’Université de Prague était, sans doute, moins fidèle que celle de Heidelberg aux traditions du Nominalisme parisien ; elle avait dû revenir d’une façon plus ou moins complète à l’enseignement d’Albert le Grand et de Saint Thomas d’Aquin ; aussi advint-il que certains rendirent cet enseignement responsable, au moins jusqu’à un certain point, des hérésies réalistes de Jérôme de Prague et de Jean Hus ; la cause du Nominalisme sembla la cause même de l’orthodoxie.

Telle fut assurément la pensée de l’archevêque électeur de Cologne ; la tendance de certains maîtres de l’Université à remplacer, dans leurs leçons, les doctrines du Nominalisme par celles du Thomisme lui inspira de vives inquiétudes ; en 1425, par l’intermédiaire des magistrats municipaux de Cologne, il adressa à l’archevêque une lettre qui contenait de vives remontrances[2]. L’archevêque se plaignait « que les maîtres actuellement en exercice près la Faculté des Arts n’enseignassent plus la doctrine qui était professée au début de la fondation de l’Université, et qui est encore exposée dans les autres Facultés de l’Allemagne… Cette Faculté introduit les jeunes gens dans la voie d’une autre doctrine, ou celle, par exemple, qu’ont professée Saint Thomas, Albert le Grand et tels anciens… Sans doute, la doctrine de ces docteurs n’est pas mauvaise en soi ; mais elle passe la capacité des jeunes gens ; aussi advient-il que ces jeunes gens, ne comprenant pas les propositions subtiles et les principes élevés de cette doctrine, ont

  1. Du Plessis d’Argentré Collectio judiciorum de novis erroribus qui ab initio XII sæculi… usque ad annum 1735 in Ecclesia præscripti et notati, t. I, Parisiis, 1728, p. 203.
  2. Du Plessis d’Argentré, Op. laud., vol. I, pars 2, p. 220 s.