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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/170

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

seul osé formuler une pareille bêtise, qu’Albert le Grand et Saint Thomas d’Aquin s’étaient bien gardé de répéter. Cette sottise, nos auteurs la répètent ; en effet, ce que leur hypocrisie couvre des noms vénérés des deux grands docteurs catholiques, c’est un Péripatétisme aussi routinier, aussi buté que celui d’Ibn Rochd. C’est ainsi qu’aux étudiants de Cologne, vers le début du xvie siècle, on enseignait la Physique ; si l’on avait cherché, de propos délibéré, à en faire des imbéciles, s’y fût-on pris autrement ?

Les Sentenciæ uberiores exposent la Physique comme si l’École de Paris n’avait jamais existé ; Lambert de Heerenberg sait qu’elle a existé ; il laisse voir qu’il en connaît les enseignements, mais c’est pour les rejeter.

Entre sa montée et sa descente, une pierre jetée en l’air passe-t-elle par un état de repos ? Notre auteur l’admet[1]. « On fait, dit-il, cette objection : Il ne paraît pas qu’une pierre jetée en l’air se repose avant de retomber, car à ce repos de la pierre lancée verticalement, il n’y a pas de cause.

» Si fait, répondrons-nous, il y a une cause.

» Cette cause, nous dira-t-on, il faut donc que ce soit ou bien le projecteur ou bien la nature du projectile. Mais ce n’est pas le projecteur, car celui-ci meut vers le haut ; ce n’est pas non plus la nature du projectile, car elle meut vers le bas.

» Nous répondrons : La cause du repos, ce n’est ni le projecteur, ni la nature du projectile ; c’est l’égalité des deux forces, de la force du projecteur et de la force produite par la nature du projectile.

» Un grave lancé verticalement vers le haut passe par trois dispositions.

» La première a lieu lorsque la force du projecteur l’emporte sur la nature du projectile ; alors, en celui-ci, le mouvement est dirigé vers le haut.

» La seconde a lieu quand cette vertu du projecteur cesse de surpasser la nature du projectile sans que celui-ci, toutefois, reprenne encore, de façon parfaite, la condition de sa propre nature ; c’est alors que se produit, en l’air, le repos de la pierre ; la force du projecteur ne l’emporte pas sur la pierre ; la pierre n’a pas encore pleinement reçu la condition de sa propre nature ; il n’y a donc mouvement ni vers le haut ni vers le bas.

  1. Lamberti de Monte In octo libros physicoram copulata, lib. VIII ; éd. cit., fol. cxxxviij, col. b et c.