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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/229

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

dire encore qu’il ne convient pas au mobile selon la nature propre à celui-ci, mais qu’il lui convient selon la nature de quelque principe supérieur auquel le mobile est naturellement tenu d’obéir.

» Il faut remarquer à ce sujet que tout mobile peut être considéré à deux points de vue.

» On le peut, tout d’abord, considérer d’une manière absolue, en lui-même et selon l’inclination qui lui est propre ; par cette inclination, il tend à ce qui lui est naturel et bon quand on le prend isolément. En d’autres termes, on peut considérer ce mobile en tant qu’il se meut selon la propriété ou vertu des éléments dont il se compose. Cette propriété ou vertu, on la nomme nature particulière ; c’est par elle que tout grave tombe, que tout corps léger s’élève s’il n’en est empêché.

D’une autre façon, un mobile peut être considéré comme subordonné à une vertu céleste, à l’inclination qu’il éprouve vers l’Univers entier et vers ce qui est bon à cet Univers. Cette inclination, nous l’appelons nature céleste ou spécifique. Par elle, le mobile est mû par tel corps ou par tel autre, selon la manière dont la vertu céleste lui a conféré une inclination destinée à conserver l’ordre de l’Univers. Ainsi, un corps pesant monterait, un corps léger descendrait pour empêcher le vide dont la nature a horreur. Ainsi, chaque organe d’un corps vivant attire à lui l’aliment dont il a besoin pour réparer ses pertes. Ainsi la mer flue et reflue suivant le mouvement de la Lune. Ainsi chaque chose se meut vers un autre objet ou le fuit, selon la sympathie ou l’antipathie (aspectus amicitiæ vel inimicitiæ) qu’elle a, pour cet objet, reçue de l’impression céleste. C’est ce que nous montrent l’aimant et une multitude d’autres exemples. Bien des mouvements, en effet, qui sont contraires à la nature particulière, ne le sont pas à la nature universelle. En sa quinzième différence, le Conciliateur développe, à ce sujet, de nombreux commentaires.

» Pour cette raison, il conviendrait assez de dire que ces mouvements sont naturels d’une certaine façon, et violents d’une autre façon ; ils sont violents si l’on prend en considération la nature particulière des mobiles, et naturels si l’on considère la nature universelle et spécifique. On peut dire encore, ce qui revient à peu près au même : Ils sont naturels de la part de ce qui tire et violents de la part du corps qui est tiré. »

» Mais Grégoire de Rimini réprouve cette opinion. Bien