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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/294

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NICOLAS DE CUES


M. La trinité contractée de l’Univers


L’Univers, qui est le maximum contracté et l’unité contractée, imite, autant que sa nature le permet, Dieu qui est le maximum absolu et l’unité absolue.

Or Dieu est trinité ; l’Univers est donc aussi trinité[1].

À la vérité, entre la trinité divine et la trinité de l’Univers, subsistent des différences profondes et essentielles[2].

Dieu étant trinité absolue, sa trinité est identique à l’unité. L’unité du Monde, au contraire, est une unité contractée ; pour subsister, il lui faut se condenser en choses multiples ; elle ne pourra subsister qu’au sein d’une trinité.

En effet, pour qu’il y ait contraction, il faut trois choses : un sujet contractile qui la subit, un agent contractant qui la produit, et un lien par lequel l’agent contractant est uni au sujet contractile en vue de produire l’acte de la contraction.

Telle sera la trinité de l’Univers, image de la trinité divine, et descendue de cette trinité.

Qui dit contractilité désigne une certaine possibilité ; cette possibilité descend donc de la puissance suprême, du Père qui engendre la divine trinité.

L’agent contractant détermine la contraction en puissance, il la force à devenir ceci ou cela, il la rend adéquate, il l’égale à tel ou tel être particulier ; on peut donc dire qu’il descend de cette égalité qui, au sein de la trinité divine, s’appelle le Verbe.

La possibilité contractile, la puissance de contraction est souvent nommée matière de l’Univers ; à l’agent contractant, on donne souvent le nom de forme de l’Univers ou d’Âme du Monde.

Pour que l’acte de la contraction s’accomplisse, il faut que l’agent contractant soit appliqué au sujet contractile, que la matière soit unie à la forme, qu’il y ait compénétration entre la possibilité à déterminer et la nécessité qui la détermine. Ce lien, on le nomme parfois la possibilité déterminée ; c’est une sorte d’esprit d’amour ; c’est une espèce de mouvement, par lequel la forme et la matière de l’Univers s’unissent l’une à l’autre. Il est clair que ce lien descend du Saint-Esprit qui, au sein de la divine trinité, est le lien infini.

  1. Nicolai de Cusa Op. laud., lib. II, cap. VII ; éd. cit., t. I, p. 31.
  2. Nicolai de Cusa Op. laud., lib. Il, cap. VII, éd. cit., pp. 31-32.