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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/311

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

« Il est manifeste pour nous [1] que la terre se meut vraiment, bien que ce mouvement ne nous apparaisse point ; nous ne pouvons, en effet, percevoir un mouvement que par comparaison avec quelque objet fixe. Celui qui se trouve dans un vaisseau au milieu de l’eau et qui ne voit pas les rives, comment percevrait-il l’écoulement de cette eau, s’il ignore qu’elle coule ? Qu’un homme se trouve donc sur terre, ou dans le Soleil ou dans quelque autre étoile ; il lui semble toujours qu’il est en quelque centre immobile et que tous les autres corps se meuvent ; en chaque astre nouveau, il se créerait des pôles nouveaux ; placé dans le Soleil, il se donnerait certains pôles, d’autres sur la terre, d’autres dans la Lune ou dans Mars, et ainsi de suite. La machine du Monde sera donc comme si son centre était partout et sa circonférence nulle part ; son centre et sa circonférence, en effet, c’est Dieu. »

« Il est donc manifeste par là [2] que la terre se meut. Or le mouvement des comètes nous a prouvé par expérience que les éléments de l’air et du feu sont en mouvement. D’Occident en Orient, la Lune se meut moins que Mercure, Vénus ou le Soleil ; et il en est ainsi par degrés des autres astres. La terre se meut encore moins que tous ces corps. Mais elle n’est pas semblable à une étoile qui décrirait autour du centre le cercle minimum ; non plus que la huitième sphère, ni aucune autre sphère ne décrit, comme nous l’avons prouvé, le cercle maximum. »

Cette dernière phrase nous convie à éclaircir ce qui vient d’être dit du mouvement de la terre en le comparant à des considérations précédemment exposées, et qui étaient les suivantes [3] :

« Il n’y a pas dans le Ciel de pôles fixes et immobiles ; par le mouvement du Ciel des étoiles fixes, des cercles semblent décrits, qui sont de grandeurs graduellement décroissantes ; tels sont l’équateur, les tropiques[4], les cercles intermédiaires. Mais toute partie du Ciel se meut nécessairement, bien que d’une manière inégale, si l’on en juge par les cercles que décrivent les étoiles. Aussi y a-t-il une étoile qui semble décrire un cercle plus petit que tous les autres, comme une autre étoile semble parcourir un cercle plus grand que tout autre ; mais on ne trouve point d’étoile qui décrive un cercle nul.

  1. Nicolai de cusa. op. laud., lib. II, cap. XII ; éd. cit., p. 39.
  2. Nicolai de cusa. op. laud., lib. II, cap. XI ; éd. cit., t. I, p. 38.
  3. Nicolas de Cues, loc. cit.
  4. Le texte dit : coluri. Mais les colures sont des méridiens, tandis qu’il est ici question de parallèles.