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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/312

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NICOLAS DE CUES

» Dès là qu’il n’existe pas, en la sphère, de pôles fixes, on n’y saurait trouver non plus, c’est manifeste, un équateur qui serait équidistant de ces pôles. Il n’y a donc aucune étoile dans la huitième sphère qui, par sa révolution, décrive le cercle maximum ; il faudrait, en effet, que cette étoile fût à égale distance des pôles qui n’existent, pas. Partant, il n’y a pas non plus d’étoile qui décrive le cercle minimum. Les pôles des sphères célestes, donc, coïncident avec le centre, de telle façon qu’il n’y ait point d’autre centre, point d’autre pôle que le Dieu béni. »

Au gré de Nicolas de Cues, ces considérations confuses sont propres à jeter quelque jour sur le problème du mouvement de la terre.

« Faites bien attention à ceci, dit-il[1] : La terre, la Lune, les astres s errants se comportent à l’égard du centre comme les étoiles à l’égard des pôles simplement conçus (poli conjecturales) dans la huitième sphère ; elles sont comme les étoiles qui se meuvent diversement en raison de leurs distances au pôle ; il suffit d’imaginer que le pôle se trouve là où l’on croit que réside le centre ; bien que la terre soit, plus que les autres corps, voisine de ce pôle central, elle se meut toutefois, et comme on l’a montré, son mouvement ne lui fait pas décrire le cercle minimum, celui qui la maintiendrait immobile ».

La terre se meut ; quel est son mouvement ? « Son mouvement est circulaire[2] ; mais ce mouvement circulaire pourrait être plus parfait ; car le maximum en perfection, mouvement et figure n’existe pas dans le Monde. »

« Je dis plus[3] : Ni le Soleil, ni la Lune, ni la terre, ni aucune autre sphère ne saurait, dans son mouvement, décrire un cercle véritable, puisqu’elle ne se meut point sur quelque centre fixe. Il n’est pas non plus possible de donner un cercle si exact qu’on n’en puisse encore donner un plus exact. Et jamais un astre ne se meut, durant un certain temps, précisément de même qu’en un autre temps ; jamais, dans le second cas, il ne décrit un cercle véritablement égal à celui qu’il décrit dans le second cas, bien qu’il nous paraisse en être ainsi. »

Toute l’Astronomie repose sur l’hypothèse d’un corps central immobile ; dès là qu’un tel corps n’existe pas et ne peut pas exister, la Science des mouvements célestes en son entier branle et s’écroule.

  1. Nicolas de Cues, loc. cit. ; éd. cit., t. I, pp. 38-39.
  2. Nicolai de Cusa op. laud., lib. II, cap. XII ; éd. cit., t. I, p. 39.
  3. Nicolai de Cusa op. laud., lib. II, cap. XI ; éd. cit., t. I, p. 39.