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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/314

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NICOLAS DE CUES

Ptolémée, Thâbit ben Koarrah, les Tables alphonsines donnaient, de cette durée, des évaluations discordantes entre lesquelles il était permis d’hésiter. Cette hésitation, nombre d’astronomes l’avaient connue ; ils en avaient conclu que la théorie des mouvements célestes était encore imparfaite ; mais ils n’avaient pas jugé que cette imperfection fût irrémédiable ; ils gardaient l’espoir que de nouvelles recherches mettraient un jour, touchant la véritable grandeur de l’année, la certitude à la place du doute.

Nicolas de Cues, au contraire, en tirait cette conséquence, qu’il donnait tout au moins comme probable : La constitution d’une Astronomie exacte passe les force de l’homme.

« La durée de l’année demeure douteuse, disait-il[1]. Par là, certains astronomes ont été réduits à déclarer que tout mouvement de corps céleste est incommensurable à la raison humaine, qu’il dépend d’un rapport irrationnel, qu’il admet une racine sourde [2] et qu’on ne peut dénommer ; étant donnée une mesure humaine, qui mesure approximativement un certain mouvement, on en peut toujours donner une autre qui soit plus approchée.

» Ils disent donc que le mouvement des corps célestes peut être compris par l’esprit humain de même façon que la quadrature du cercle peut être effectuée par ce même esprit ou que l’angle aigu de contingence peut être atteint par l’angle rectiligne [3].

» Pierre d’Abano, dans son Traité de la huitième sphère, critique la théorie de l’accès et du recès proposée par Thébith ; il critique également Albatégni. Si on lui demande pourquoi, au temps d’Abrachis (Hipparque) et de Ptolémée, ce mouvement a été trouvé plus lent qu’au temps de Thébith et d’Albatégni,

1. Nicolai de Cusa Reparatio calendarii ; éd. cit., t. III, p. 1157.

2. L’épithète de sourd était, pour un rapport arithmétique, synonyme des épithètes d’incommensurable et d’irrationnel.

3. Soient C une courbe et M un point de cette courbe ; par le point M, menons, à la courbe C, la tangente MT, L’angle de contingence, c’est la figure CMT formée par la courbe MC et sa tangente MT.

Par le point M, menons une droite MD, située du même côté de la tangente MT que la courbe MC. Si aïgu que soit l’angle rectiligne DMT, la courbe MC est toujours, au voisinage du point M, comprise à l’intérieur de cet angle. Cette propriété attirait très vivement l’attention des géomètres du Moyen Age. qui la jugeaient admirable. C’est à cette propriété que Nicolas de Cues fait allusion.

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