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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/316

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NICOLAS DE CUES

Nicole Oresme s’en était servi pour proclamer l’incapacité radicale de l’Astrologie judiciaire ; nous savons, enfin, avec quelle pénétrante finesse elle était développée dans un traité anonyme que nous avons analysé[1]. Les propos de Nicolas de Cues nous donneraient volontiers à penser que ce traité s’est trouvé entre ses mains ; c’est là qu’il aurait découvert le germe de l’ignorance savante dont toute son œuvre devait développer les conséquences. S’il en est ainsi, le germe diffère singulièrement du système qui en est issu ; autant celui-là était pénétré de parfait bon sens, autant celui-ci s’applique à déconcerter ce même bon sens.


IV
L’HYPOTHÈSE ASTRONOMIQUE DE NICOLAS DE CUES


Le scepticisme de la docte ignorance, en effet, ne se pique point du tout de conseiller la prudence ; s’il constate la faiblesse de la raison, c’est afin qu’elle ne se mêle plus de dominer l’imagination et de mettre un frein aux fantaisies les plus osées.

Nicolas de Cues, au vent de ses doutes, a balayé tous les principes reçus des astronomes ; ce n’est point qu’il ait l’intention de ne jamais spéculer sur les mouvements célestes ; bien au contraire ; débarrassé des entraves de la tradition, il aura pleine liberté de formuler des hypothèses nouvelles.

En 1843, F. J. Clemens[2] visitait la bibliothèque léguée par Nicolas de Cues à 1*hôpital de sa ville natale ; il y fit une curieuse trouvaille. Sur le dernier feuillet de parchemin d’un ouvrage astronomique que Nicolas avait acheté à Nüremberg en 1444, un court fragment relatif aux mouvements célestes avait été ajouté après coup. La comparaison de l’écriture de ce fragment avec celle des manuscrits authentiques du philosophe de Cues montrait que la main de celui-ci avait tracé ces lignes. Ce qu’elles disaient, nous allons, d’après Clemens, le reproduire textuellement ; nous le commenterons ensuite.

« Consideravi quod non est possibile quod aliquis motus sit

  1. Voir : Cinquième partie ; ch. XIV, § III, t. VIII, pp. 454-462.
  2. Giordano Bruno und Nicolaus von Cusa. Eine philosophische Abhandlung von Dr F. J. Clemens, Privatdozenten der Philosophie an der Universität zu Bonn. Bonn, 1847. pp. 97-99, en note.