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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/321

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

ment diurne ; par rapport aux étoiles, le Soleil aurait tantôt une marche directe et, tantôt, une marche rétrograde.

Pour éviter cet inconvénient, il faudrait supposer que la sphère solaire tournât, autour de α β, moins vite que le premier mobile autour de A B ; et c’est bien ce qu’admettait Nicolas de Cues lorsqu’il écrivait, vers le début de son essai : « Super polis mundi [terra] revolvitur quasi semel in die et nocte, sed octava sphæra bis, et Sol parum minus quam bis in die et nocte. » Mais s’il en était ainsi, sous le point E du premier mobile, on ne trouverait pas toujours le même point ε de la sphère solaire ; or Chrypfs nous affirme que « punctus unus sphæræ Solis semper remanet sub uno et eodem puncto octavæ, qui sub polo motus revolutionis ab Occidente fixe persistit. » ; et toute sa théorie du mouvement solaire suppose cette fixité des points ε, φ, dans la sphère du Soleil.

En même temps qu’il énonce cette fixité, il formule une proposition erronée ; autour des pôles ε, φ, la sphère solaire tourne un peu moins vite que le premier mobile autour des pôles E, F ; il en résulte que le pôle A du premier mobile ne se projette pas toujours au même point de la sphère du Soleil ; sa projection α décrit, en un an, sur la sphère solaire, le grand cercle perpendiculaire à ε, φ ; l’auteur se trompe donc lorsqu’il écrit : « Un même point de la sphère terrestre et un même point de la sphère solaire demeurent fixément lié au pôle du Monde. — Punctus unus sphæræ terræ et Solis remanet cum polo mundi fixe. »

Embarrassée d’erreurs et de contradictions, la théorie du mouvement du Soleil ne parvient pas à sauver, même qualitativement, les apparences que nous présente cet astre.

Du mouvement des étoiles fixes, Nicolas de Cues s’est proposé de donner une théorie toute semblable à celle qu’il a conçue pour le mouvement du Soleil ; seulement, dans le cas des étoiles, le retard qui affecte la rotation autour de l’axe ε, φ serait, en cent ans, à peu près égal à celui que présente en un jour le mouvement du Soleil ; pour passer de la théorie du Soleil à la théorie de la sphère étoilée, il suffirait de remplacer l’année par la Grande Année de 36 000 ans. C’est assez dire que les objections auxquelles achoppe cette théorie-là se dressent également contre celle-ci.

Il serait injuste de reprocher à Nicolas de Cues cette hypothèse astronomique manquée ; dans aucun des ouvrages qu’il a rendus publics, il n’y a fait la moindre allusion ; il est donc