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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/323

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Le grand mérite de Copernic, ce ne fut pas de faire tourner la terre sur elle-même au lieu de faire tourner la sphère suprême ; ce fut de renoncer à l’hypothèse géocentrique, de revenir au système héliocentrique proposé par Aristarque de Samos ; c’est par là qu’il a pu rendre compte beaucoup plus simplement que Ptolémée des mouvements des astres errants ; c’est là qu’est son principal titre de gloire.

Or la substitution du système héliocentrique au système géocentrique bouleversait les doctrines généralement reçues des physiciens bien plus profondément que le simple échange entre la rotation de la terre et la rotation du Ciel. Qu’on attribuât la rotation diurne à la terre ou qu’on la gardât au Ciel, la plupart des enseignements de la Physique péripatéticienne n’en éprouvaient aucun trouble. Il n’en était plus de même dès là qu’on attribuait un mouvement semblable à la terre et aux planètes : par là, en effet, on était tout naturellement conduit à regarder la terre et les planètes comme corps de même nature, à ne plus prendre les astres errants pour sphères d’une cinquième essence entièrement, distincte des quatre éléments, à penser que chacun de ces astres possédait, comme notre globe, sa terre, son eau, son air et son feu.

Une telle supposition voulait qu’on changeât toute la théorie du lieu naturel et de la pesanteur qu’Aristote avait développée. La tendance propre de chaque élément ne devait plus être de venir occuper, dans le Monde, une certaine place déterminée d’une manière absolue, comprise entre deux certaines distances au centre de l’Univers ou à l’orbe de la Lune, Il fallait seulement que les divers éléments destinés à composer un même astre tendissent à prendre une certaine disposition relative, à former des couches sphériques superposées dans l’ordre des densités décroissantes, sans se soucier aucunement de la place absolue que leur ensemble occupe dans l’Univers.

Avec beaucoup de précision et de clarté, cette nouvelle théorie de la pesanteur avait été présentée par Plutarque dans son traité Sur le visage qui se voit dans le disque de la Lune[1].

Nicole Oresme avait, à son tour, exposé la même doctrine [2] ; il en avait conclu que « se Dieu créet un autre Monde semblable à cestui, la terre et les élémens de cel autre monde seroient en lui si comme en cestui les élémens de lui. »

  1. Voir : Première partie, ch. XIII, § XII ; t. II, pp. 361-363.
  2. Voir : Cinquième partie, ch. XX, § VIII, t. IX. p. 405.