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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/324

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NICOLAS DE CUES

Nicolas de Cues nous a dit[1] que « la Terre, la Lune et les planètes, dans leurs mouvements autour du centre du Monde, « étaient semblables aux étoiles qui se meuvent autour du pôle. » Il nous a dit que, de l’Occident à l’Orient, « la Lune se mouvaitjmoins que Mercure, Vénus ou le Soleil ; qu’il en était ainsi par degré des divers astres ; que la Terre se mouvait moins encore que tous les autres. » Il est visible par là qu’il range la terre, du moins au point de vue de son mouvement, parmi les astres errants.

Mais cette analogie ne se borne pas au mouvement. La terre est vraiment, par sa constitution, une étoile semblable au Soleil ou à la Lune.

« Si quelqu’un se trouvait dans le Soleil, dit notre philosophe[2], il ne verrait pas cette clarté qui nous apparaît ; en considérant, en effet, la masse du Soleil, nous trouvons qu’elle possède une sorte de terre qui est la partie la plus centrale ; une espèce de lueur, dont la nature rappelle celle du feu, se trouve à la circonférence ; entre les deux, il y a une nuée aqueuse et un air plus clair.

» La terre possède de même ces éléments. Partant, si quelqu’un se trouvait hors de la région du feu, à la circonférence de la région qui dépend de notre terre, celle-ci, grâce à son feu, lui apparaîtrait comme une étoile brillante. De même, à nous qui nous trouvons à la circonférence de la région du Soleil, ce Soleil se montre d’un vif éclat.

» La Lune ne nous paraît pas aussi lumineuse parce que nous nous trouvons peut-être en deçà de la circonférence [qui borne la région de ses éléments] ; nous sommes placés vers des parties plus centrales, par exemple dans la région aqueuse de la Lune ; aussi sa lumière ne se montre-t-elle pas à nous, bien qu’elle ait une lumière propre ; cette lumière apparaît à ceux qui se trouvent sur la circonférence extrême de la région lunaire tandis que nous voyons seulement la lumière du Soleil réfléchie par la Lune ; de même, la Lune produit certainement de la chaleur par son mouvement ; cette chaleur est plus grande à la circonférence de sa région, où le mouvement est le plus grand ; aussi cette chaleur ne nous est-elle point communiquée comme l’est celle du Soleil.

  1. Nicolai de Cusa De docta ignorantia, lib. II, cap. XI ; éd. dit., p. 38.
  2. Nicolai de Cusa Op. laud., lib. II, cap. XII ; éd. cit., pp. 39-40.2