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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/325

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

» Notre terre semble donc placée entre la région du Soleil et celle de la Lune ; par l’intermédiaire de ces deux astres, elle participe aux influences des autres étoiles que nous ne voyons pas parce que nous nous trouvons hors des régions qui leur sont propres ; ce que nous voyons de celles-ci, [ce ne sont point leurs corps], ce sont seulement leurs régions ; c’est pourquoi elles scintillent.

» La terre est donc une noble étoile — Est igitur terra stella nobilis — Elle possède lumière, chaleur et influence ; cette chaleur, cette lumière, cette influence diffèrent de celles qui appartiennent à quelque autre étoile que ce soit ; de même que toute étoile diffère de toute autre par sa lumière, sa chaleur et son influence. »

Tout ce passage affirme avec une grande force que la terre est analogue de tout point au Soleil et aux autres astres.

Une telle conclusion exige l’abandon de la théorie de la pesanteur qu’Aristote avait proposée. Par quelle théorie la faut-il remplacer ? Nicolas de Cues s’explique peu à ce sujet. Quelques lignes seulement y ont trait ; elles semblent esquisser une pensée voisine de celle que Plutarque, que Nicole Oresme avaient explicitement formulée.

« Tout mouvement d’une partie a pour objet la perfection du tout[1] ; c’est pourquoi les graves se portent vers la terre et les corps légers vers le haut ; c’est pourquoi la terre se porte vers la terre, l’eau vers l’eau, l’air vers l’air et le feu vers le feu ; autant que faire se peut, le mouvement du tout tend vers le circulaire et toute figure vers la figure sphérique. »

Si chacun des éléments d’un même astre tend à former une masse unique ; si ces diverses masses tendent seulement à se disposer en couches sphériques concentriques, on ne trouve’ plus ni dans les parties, ni dans l’ensemble la moindre aspiration à chercher le centre du Monde ni à fuir ce point ; un tel astre n’est plus ni grave ni léger. Plutarque avait très clairement affirmé cette proposition ; elle était bien propre à séduire l’auteur de la Docte ignorance au gré duquel l’Univers n’a pas de centre.

Ce corollaire de sa théorie de la pesanteur, si favorable à toute sa doctrine, il ne semble pas que Nicolas de Cues l’ait aperçu. Il indique certaines considérations [2] que leur brièveté

  1. Nicolas de Cues, loc. cit. ; éd. cit., p. 39.
  2. Nicolas de Cues Op. laud., lib. II, cap. XIV ; éd. cit., t. I, p. 42.