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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/326

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NICOLAS DE CUES

rend quelque peu obscures, mais qui ne semblent pas se pouvoir interpréter, si ce n’est comme ceci :

Des divers éléments qui composent une étoile, telle la terre, les uns sont lourds et tendent vers un certain point, tandis que les autres sont légers et fuient ce même point. L’astre entier ne s’approche ni ne s’éloigne de ce point, il n’est ni lourd ni léger, parce que la pesanteur de certains de ses éléments’est exactement compensée par la légèreté des autres ; grâce à cette compensation, l’astre demeure suspendu dans l’espace. Pour créer le Monde, Dieu a fait appel aux quatre sciences mathématiques, la Géométrie, l’Arithmétique, l’Astronomie et la Musique ; l’exacte balance dont nous parlons fut l’œuvre particulière de la Géométrie.

C’est bien, semble-t-il, le sens qu’il faut attribuer aux passages suivants :

« Par la Géométrie, Dieu a figuré la proportion des éléments de telle sorte que de cette proportion, découle la fermeté, la stabilité et la mobilité selon les conditions qu’il a voulues… Les éléments ont donc été constitués par Dieu suivant un ordre admirable ; il a créé toutes choses avec nombre, poids et mesure ; le nombre ressortit à l’Arithmétique, le poids à la Géométrie, la mesure à la Musique…

» La gravité, en effet, se soutient dans l’espace parce que la légèreté l’y contraint ; la terre, qui est grave, se trouve comme suspendue dans l’espace par le moyen du feu ; la légèreté lutte contre la pesanteur comme, par exemple, le feu contre la terre…

« Comment se défendre d’admirer l’Ouvrier qui a usé d’un art si parfait lorsqu’il a constitué les sphères célestes, les étoiles et les diverses régions des astres ? Par sa précision, la variété se trouve partout et, cependant, toutes choses concordent… Il a réglé les rapports mutuels des diverses parties des astres de telle sorte qu’en chacun d’eux, les parties se meuvent vers le tout, que les corps graves se dirigent en bas vers le centre, que les corps légers montent en s’éloignant du centre, et que l’ensemble éprouve, autour du centre ; ce mouvement orbiculaire que nous constatons dans les étoiles. ».

Un Nicole Oresme avait admis que l’espace pouvait contenir plusieurs systèmes dont chacun fût composé d’une terre entourée d’eau, d’air et de feu ; à ces mondes divers, il appliquait une théorie de la pesanteur toute semblable à celle que Plutarque avait proposée ; mais, moins audacieux que Plutarque, il n’avait pas été jusqu’à peupler d’habitants ces mondes semblables à