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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/328

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NICOLAS DE CUES


VI
LA DYNAMIQUE DE NICOLAS DE CUES


Dans aucun de ses écrits, Nicolas de Cues n’a pris la théorie du mouvement des projectiles pour objet spécial de ses réflexions ; mais, à plusieurs reprises, l’hypothèse de l’impetus, si fort en faveur auprès de l’École parisienne, lui a fourni des comparaisons propres à manifester sa pensée ; nous apprenons par là que cette hypothèse avait pleinement obtenu son adhésion.

L’existence de l’impetus dans le projectile qui se meut lui sert habituellement d’exemple pour expliquer la présence de l’âme au sein du corps. En un certain cas, pour rendre compte de cette même présence, il se sert d’une autre image ; il la compare à la persistance du mouvement vibratoire au sein de la cloche qui rend un son ; cette persistance servait parfois aux Parisiens pour faire comprendre la durée de l’impetus imprimé dans le mobile ; peut-être donc ne sera-t-il pas inutile de rapporter ici ce qu’en dit Nicolas de Cues.

C’est au dialogue intitulé L’Idiot que se trouve le passage que nous allons reproduire[1]. L’Idiot, dépositaire de la savante ignorance, veut expliquer à l’Orateur comment Dieu a créé l’âme au sein du corps.

« L’Orateur. — Dis-moi, comment l’âme se trouve-t-elle répandue dans le corps par l’acte créateur ?

» L’Idiot. — Tu m’en as déjà entendu parler en d’autres circonstances ; aide-toi maintenant, pour le comprendre, de ce nouvel exemple.

» L’Auteur. — L’Idiot prit alors un verre ; il le frappa au moyen d’un petit pendule tenu entre le pouce et l’index ; aussitôt, le verre rendit un son. Ce son ayant duré pendant quelque temps, le verre se fendit et, sur-le-champ, le son cessa de se faire entendre. L’Idiot prit alors la parole.

» L’Idiot. — Ma puissance, par l’intermédiaire du pendule, a fait naître dans le verre une certaine force (vis) ; cette force a mis le verre en mouvement, ce qui a produit le son. Au bout de quelque temps fut détruite cette proportion du verre en laquelle résidait le mouvement et, par conséquent, le son ;

  1. Nicolai de Cusa Idiotæ lib. III : De mente ; cap. XIII ; éd. cit., t. I, pp. 169-170.