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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/329

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

aussitôt, le mouvement prit fin ; le mouvement cessant, le son cessa également.

» Si cette vertu [productrice du mouvement] ne dépendait pas du verre, elle ne se trouverait pas supprimée par le fait que le verre est rompu ; elle persisterait en l’absence du verre ; tu aurais alors un excellent exemple de cette force qui est créée en nous, qui y produit le mouvement ou l’harmonie, qui cesse de les y produire lorsque l’exacte proportion de notre corps est détruite et qui, cependant, ne cesse pas pour cela d’exister. »

Cette force ou vertu, capable de produire le mouvement, que le choc du pendule a créée dans le verre ; c’est, à n’en pas douter, l’impetus.

Voici maintenant un autre passage [1] où la création de l’impetus dans le toton que l’enfant fait tourner sert d’image à la création de l’âme au sein du corps.

« L’enfant prend ce toton qui est mort, c’est-à-dire dénué de mouvement, et il le veut rendre vivant ; pour cela, par le procédé qu’il a inventé et qui est l’instrument de son intelligence, il imprime en ce toton la ressemblance de l’idée qu’il a conçue ; par un mouvement à la fois droit et oblique de sa main, par un mouvement qui consite tout à la fois en une pression et en une traction, il imprime un mouvement qui, pour le toton, est surnaturel ; par nature, ce jouet n’a d’autre mouvement que le mouvement vers le bas, commun à tout grave ; l’enfant lui donne de se mouvoir circulairement comme le Ciel. Cet esprit moteur, conféré par l’enfant, se trouve invisiblement présent en la matière du toton ; il y demeure plus ou moins longtemps selon la force de l’impression qui a communiqué cette vertu ; lorsque cet esprit cesse de vivifier le toton, celui-ci reprend son mouvement vers le centre, comme au préalable. N’avons-nous pas là une image de ce qui se produit lorsque le Créateur veut donner l’esprit de vie à un corps non vivant ? »

Cette comparaison de la création de l’âme au sein du corps à la création du mouvement dans un projectile, nous l’allons retrouver dans les dialogues que Nicolas de Cues a intitulés : Du jeu de globe, De ludo globi.

En quoi consistait le jeu de globe ? En tête des Dialogues, se voit une gravure qui nous l’apprend. Un seigneur allemand tient à la main un projectile qu’il va lancer ; c’est un hémisphère dont la base, primitivement plane, a été légèrement creusée,

  1. Nicolai de Cusa Dialogus trilocutorius de possest ; éd, cit., t. I, p. 254.