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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/365

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

les objections que les partisans des sphères homocentriques opposaient aux tenants des excentriques et des épicycles. « Peurbach ouvrit une voie qui permettait d’éviter tout inconvénient. Le Ciel de chaque planète eut en partage un orbe total concentrique ; en effet, il supposa que la surface externe et la surface interne n’avaîent pas d’autre centre que la terre. Mais cet orbe est épais, il a une profondeur considérable ; Peurbach voulut qu’en cette profondeur fût reçu et pût tourner un orbe entièrement excentrique, d’épaisseur uniforme, placé entre deux corps d’épaisseur non uniforme ; il voulut que cet orbe excentrique entraînât dans sa circulation soit la planète, soit répicycle serti dans son épaisseur ; ainsi, par l’intermédiaire de l’orbe total, la planète pouvait recevoir l’impression du premier mobile, et, par l’intermédiaire de l’orbe excentrique, procéder à sa propre révolution ; mais, grâce à l’épaisseur uniforme de l’excentrique, ces mouvements ne pouvaient déterminer la brisure d’aucune partie de la machine totale ; et, d’autre part, la compénétration de deux corps n’était pas à craindre, car chaque mobile demeurait contenu entre ses propres orbites. »

À l’imitation de Gassendi, Delambre attribue à Peurbach l’invention[1] de ces orbes solides ; mais esprit chagrin et mesquin qui n’écrit, semble-t-il, l’histoire de l’Astronomie que pour dénigrer les anciens astronomes, il se garde bien de lui en faire un mérite.

« D’abord, dit-il, pour ce qui concerne le Soleil, cet ouvrage n’offre absolument rien de nouveau, sinon qu’il enchâsse le Soleil dans un orbe qui tourne entré deux autres, comme entre deux murs,…

» Ces enceintes ne changent rien à la théorie mathématique, qui finit toujours par calculer des lignes. Or Peurbach n’a rien ajouté ni retranché à la théorie de la Lune et du Soleil, et c’est uniquement pour soulager l’imagination des commençants et suppléer aux causes physiques, qu’il a rétabli toutes ces sphères. »

Il est bien vrai que Peurbach décrit les mouvements des planètes à l’aide de ces combinaisons d’orbes solides ; mais il faut bien mal connaître l’histoire de l’Astronomie pour lui en attribuer l’invention. L’invention en avait été donnée par Ptolémée aux Hypothèses des planètes. Nombre d’Arabes l’avaient reçue. Les Chrétiens d’Occident l’avaient connue au temps de

  1. Delambre, Histoire de l’Astronomie du Moyen Âge, Paris, 1819 ; p. 262-263.