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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/369

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

savons quelle admiration on professait, à Vienne, pour les docteurs de cette école, et particulièrement pour son chef ; on y lisait certainement les Quæstiones in libros de Cælo et Mundo du Philosophe de Béthune ; comment n’y eût-on pas regardé l’hypothèse du mouvement diurne de la Terre comme digne, tout au moins, d’être prise en considération ?

Que Jean Muller donc, se soit prononcé en faveur de cette hypothèse, c’est possible ; devons-nous ajouter que c’est certain ? Nous n’avons, pour nous en assurer, que le renseignement de Schoner, et ce renseignement semble fort sujet à caution. Il parle d’une dissertation, disputatio sur le mouvement de la terre, mais il est seul à en parler ; de cette dissertation, il n’est pas question dans l’Index où, en 1473, Régiomontanus énumère celles de ses œuvres qui n’ont pas encore été imprimées ; il n’en est pas question, non plus, dans la liste, dressée par Georges Tannstetter, des œuvres de Jean Muller ; en face de ces silences, l’affirmation si peu circonstanciée de Schoner suffit-elle à nous convaincre de l’existence de cette disputatio ?

Doppelmayr nous donne cet autre renseignement[1] : « Prætorius[2], dans un des manuscrits qui nous restent de lui, rapporte qu’un mathématicien de Nuremberg, Grégorius Hartmannus, avait reçu, de la propre main de Régiomontanus, une pièce astronomique, en laquelle Régiomontanus arrivait à cette conclusion : Il faut donc que le mouvement des étoiles soit quelque peu changé par l’effet du mouvement de la terre. — Ergo necesse est motum stellarum paululum variari propter motum terræ. — Par là donc, aussi, on reconnaîtrait clairement que Régiomontanus avait affirmé le mouvement de la terre. »

Comme le remarque fort justement M. Siegmund Günther[3], le mouvement de la terre dont parlait le fragment remis par Régiomontanus à Grégoire Hartmann n’est pas la rotation diurne autour de l’axe ; il s’agit d’un autre mouvement, fort peu sensible, et qui introduit, dans le mouvement des étoiles, une très petite inégalité.

Ici encore, nous ne saurions nous étonner de trouver une semblable opinion de l’esprit de Régiomontanus, instruit à

  1. Doppelmayr, Historische Nachricht von den Nürnbergischen Mathematicis und Künstlern, Nürnberg, 1730 ; p. 22.
  2. Johann Richter de Nüremberg, surnommé Prætorius, mathématicien (1537-1616).
  3. Siegnumd Gunther, Studien zur Geschichte der mathematischen und physikalischen Geographie. I Heft. Die Lehre von Erdrundung und Erdbewegung im Mittelalter bei den Occidentalen. Halle, 1877, p. 35.