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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/377

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

analyses pratiquées par Duns Scot, si les brutales clartés projetées par Ockam n’avaient pu satisfaire leur goût des formes élégantes et du langage châtié, ne devait-on pas s’attendre à ce qu’ils fussent révoltés par les Sophismata d’Heytesbury et de son école ? La barbarie des termes, en effet, et la complication des raisonnements ne s’y pouvaient plus excuser par l’importance des problèmes traités ; une langue aux âpres consonnances, hérissée d’étranges locutions techniques, servait uniquement à débattre des chicanes de pédants. Contre les abus qui, d’Oxford, avaient gagné Paris, pour se répandre enfin dans les Universités d’Italie, les lettrés pouvaient protester avec violence ; les logiciens des écoles leur faisaient vraiment beau jeu.

Pour la Dialectique anglaise, Leonardo Bruni éprouve la même horreur que Pétrarque.

De Leonardo Bruni, Philippe Monnier a buriné le portrait que voici[1] :

« Leonardo Bruni (1370-1444), poète, historien, philosophe, passe pour un si grand homme qu’un étudiant, venu expressément d’Espagne pour le connaître, tombe à genoux à ses pieds. Né à Arezzo, d’où il garde l’épithète d’Aretino, il a vu à quatorze ans, dans le château de Quarata, une image de Pétrarque qui a décidé de sa vie. Devenu chancelier de la République de Florence, après avoir servi dans sa jeunesse les papes Innocent VII et Jean XXIII et pris part au Concile de Constance, il est nommé membre du Conseil des Dix, ambassadeur et prieur. Solitaire et parcimonieux ; taciturne et drapé d’écarlate. »

Du prix que ses contemporains attachaient aux œuvres qu’il produisait, on peut citer un témoignage éclatant. « Lorsque Leonardo Bruni[2] a présenté à la commune, en 1416, le premier livre de son Histoire de Florence qu’il vient d’accomplir, un tel cadeau lui a valu d’être exempt d’impôts, lui et ses enfants, « pour ce que, ayant éternisé la gloire de l’État, il ait ainsi un » souvenir éternel de la reconnaissance du peuple. »

Bruni a été[3] élève de Manuel Cyrysoloras de Constantinople qui, à Florence, restaura l’étude du Grec ; il est helléniste ; il s’est mis a traduire Platon[4] et ce travail a singulièrement

  1. Philippe Monnier, Le Quattrocento, livre II, ch. II ; tome I, pp. 147-148.
  2. Philippe Monnier, Op. laud. ; loc. cit., p. 152.
  3. Leonardi Bruni Aretini Epistolarum Libri VIII. Præmissa {{|Poggii Florentini}} oratione recusi curante Io. Alberto Fabricio, D. et Prof. publ. Hamburgi, apud Theod. Christoph. Felginer, MDCCXXIV. Oratio Pogii Bracgiolini in funere Leonardi Aretini dicta Florentiæ An. 1443.
  4. Leonardi Bruni Epistolarum lib. I, epist. VIII ; éd. cit., pp. 20-24.