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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

Le sage Gerson s’efforce de marquer avec précision les excès dans lesquels donne chacune des deux écoles, de dire comment il les faut éviter, de reconnaître, également, ce qu’il y a de légitime dans les ambitions des Réalistes comme dans les précautions des Nominalistes ; mais à ceux-ci vont ses faveurs, à ceux-là ses rigueurs.

La confiance exagérée des métaphysiciens trouve souvent en lui un censeur sévère[1].

« Lorsqu’elle est véridique, la subtilité de ceux qui métaphysiquent consiste en une pénétrale analyse de l’être ; considéré selon son mode subjectif d’existence (esse objectale), pris d’une manière personnelle ou formelle. La grossière méthode des Terministes, s’ils voulaient être conséquents avec eux-mêmes, porterait seulement sur les concepts signifiés ou sur les manières de les signifier, en les prenant d’une façon toute matérielle ; de là vient et résulte que les métaphysiciens les dédaignent avec raison.

» Mais si, dans les choses mêmes, prises dans leur existence réelle, la subtilité des métaphysiciens prétend trouver un être tout semblable à celui qu’elles ont dans leur existence subjective, elle n’est plus subtilité, mais stupidité et démence. Qu’est-ce que la démence, en effet ? Ne consiste-t-elle pas à juger que les choses sont au dehors ce qu’elles sont dans l’imagination ? C’est ce qui se produit chez les fous, les hallucinés et les rêveurs. Ils rêvent tout éveillés, ceux qui prennent les images des choses pour les choses mêmes. »

La terminologie, compliquée sans nécessité, qu’introduisaient les métaphysiciens et, particulièrement, les Scotistes, déplaît fort au chancelier :

« La foi la plus saine, dit-il[2], et toute la Métaphysique nous ont appris que Dieu est très simple, qu’en lui, la simplicité atteint au plus haut degré que nous soyons capables d’imaginer. Cela étant donné, à quoi bon prendre cette essence absolument une et, au moyen de formes métaphysiques, de quiddités, de raisons idéales, de mille façons d’imaginer, y pratiquer des distinctions, des divisions, des compositions, des séparations

  1. Johannis Gerson De concordia Metaphysicæ cum Logica propositiones quinquaginta. Vigilia Nativitatis, Anno MCCCCXVI. (Johannis Gerson Opera, éd. cit., pars IV, XX, K.)
  2. Johannis Gerson Lectiones duæ quarum initium est : Pænitemini. Anno MCCCCII. Secunda lectio, quinta consideratio. (Johannis Gerson Opera, éd. cit., pars IV, XIII, C, D, E.)