Le sage Gerson s’efforce de marquer avec précision les excès dans lesquels donne chacune des deux écoles, de dire comment il les faut éviter, de reconnaître, également, ce qu’il y a de légitime dans les ambitions des Réalistes comme dans les précautions des Nominalistes ; mais à ceux-ci vont ses faveurs, à ceux-là ses rigueurs.
La confiance exagérée des métaphysiciens trouve souvent en lui un censeur sévère[1].
« Lorsqu’elle est véridique, la subtilité de ceux qui métaphysiquent consiste en une pénétrale analyse de l’être ; considéré selon son mode subjectif d’existence (esse objectale), pris d’une manière personnelle ou formelle. La grossière méthode des Terministes, s’ils voulaient être conséquents avec eux-mêmes, porterait seulement sur les concepts signifiés ou sur les manières de les signifier, en les prenant d’une façon toute matérielle ; de là vient et résulte que les métaphysiciens les dédaignent avec raison.
» Mais si, dans les choses mêmes, prises dans leur existence réelle, la subtilité des métaphysiciens prétend trouver un être tout semblable à celui qu’elles ont dans leur existence subjective, elle n’est plus subtilité, mais stupidité et démence. Qu’est-ce que la démence, en effet ? Ne consiste-t-elle pas à juger que les choses sont au dehors ce qu’elles sont dans l’imagination ? C’est ce qui se produit chez les fous, les hallucinés et les rêveurs. Ils rêvent tout éveillés, ceux qui prennent les images des choses pour les choses mêmes. »
La terminologie, compliquée sans nécessité, qu’introduisaient les métaphysiciens et, particulièrement, les Scotistes, déplaît fort au chancelier :
« La foi la plus saine, dit-il[2], et toute la Métaphysique nous ont appris que Dieu est très simple, qu’en lui, la simplicité atteint au plus haut degré que nous soyons capables d’imaginer. Cela étant donné, à quoi bon prendre cette essence absolument une et, au moyen de formes métaphysiques, de quiddités, de raisons idéales, de mille façons d’imaginer, y pratiquer des distinctions, des divisions, des compositions, des séparations
- ↑ Johannis Gerson De concordia Metaphysicæ cum Logica propositiones quinquaginta. Vigilia Nativitatis, Anno MCCCCXVI. (Johannis Gerson Opera, éd. cit., pars IV, XX, K.)
- ↑ Johannis Gerson Lectiones duæ quarum initium est : Pænitemini. Anno MCCCCII. Secunda lectio, quinta consideratio. (Johannis Gerson Opera, éd. cit., pars IV, XIII, C, D, E.)