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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/439

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

poids qui pèserait comme un ; je dis plus, il ne le soulèverait pas même si on lui ajoutait un poids comme deux ou trois ; si on lui ajoutait, en effet, une surcharge qui vaille un ou deux, ce poids deviendrait trois ou quatre ; or la résistance vaut cinq, car l’air résiste comme trois et le poids pendu à l’autre bras comme deux ; s’il soulevait cette résistance, il y aurait mouvement dans le sens de la moindre force ; même si le premier poids devenait comme cinq, il ne descendrait pas encore, car s’il descendait, il y aurait mouvement alors que les deux forces sont égales. Si donc une partie de la terre devient plus lourde et l’autre plus légère, il n’en résulte pas que la partie la plus lourde soulève la plus légère ; non seulement, en effet, cette partie-ci résiste à celle-là, mais l’air ou l’eau qui l’environne résiste avec elle. »

La Summa totius philosophiæ rappelle sommairement ces considérations[1].

Elle commence par rappeler la théorie de Buridan. « La terre, dit-elle, ne demeure pas en repos ; continuellement, en effet, il y a plus grande pesanteur d’un côté de la terre que de l’autre ; elle se meut donc continuellement afin que le centre [de sa gravité] devienne centre du Monde. La prémisse est évidente, car, en raison des rayons solaires, la terre, à sa surface, se dilate continuellement et, partant, devient plus légère. »

Elle rejette ensuite cette supposition par la considération que voici : « Bien qu’entre les deux moitiés de la terre, il se produise une pesanteur inégale, la terre ne se meut pas jusqu’à ce que son centre de gravité devienne centre du Monde, et cela, par suite de la résistance de l’air ; il est certain, avons-nous dit ailleurs, que si deux poids égaux sont en balance, on peut ajouter à l’un d’eux une certaine pesanteur sans qu’il descende. »

Paul refuse donc formellement d’adhérer à la théorie de Buridan, d’Albert de Saxe, en vertu de laquelle la terre branlait d’un mouvement incessant. Mais s’il repousse cette théorie parisienne, c’est au nom d’une objection venue de Paris ; Nicole Oresme en était, semble-t-il, l’inventeur.[2] Paul la développe plus complètement encore ; ce développement, il le demande à des considérations de Mécanique où la résistance de l’air est traitée comme nous traitons aujourd’hui le frottement entre corps solide ;

  1. Pauli Veneti Summa totius philosophiæ, pars secunda, cap. XIV.
  2. Voir : Cinquième partie, ch. XVIII, § XIV, t. IX ; pp. 306-308.