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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/441

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Dans le passage que nous venons de citer, l’influence d’Ockam semble tempérer la rigueur des conclusions d’Albert de Saxe.

Dans son livre Sur la composition du monde, Paul de Venise raisonnait dé toute autre façon[1].

« Il n’y a, dit-il, qu’un monde et non plusieurs ; nous allons le prouver.

» S’il existait plusieurs mondes, ou bien ils se contiendraient l’un l’autre, ou bien chacun d’eux toucherait le suivant en un point indivisible.

» La première supposition est inadmissible ; car s’il y avait un monde qui enveloppât celui-ci, par la même raison, il faudrait qu’il y eût un troisième monde contenant le second à son intérieur, et ainsi de suite à l’infini ; et cela ne peut être, car on aurait de la sorte une suite indéfinie de moteurs et dé mobiles ; au septième livre des Physiques, on a démontré qu’une telle suite ne saurait exister.

» Il ne peut pas exister davantage un second monde qui toucherait celui-ci en un point indivisible ; car, pour la même raison, il existerait un troisième monde touchant le second, et ainsi de suite à l’infini. »

Piètre argumentation, pensera-t-on. Elle n’a même pas le mérite d’être originale ; elle ne fait que résumer les considérations développées par Ristoro d’Arezzo au traité Della composizione del Mondo[2].

« Cette supposition est encore fausse pour un autre motif, ajoute notre auteur ; elle exigerait qu’il y eût hors du Monde un vide infini, et l’on a prouvé, au quatrième livre des Physiques, que cela ne saurait être. »

Cette raison est de Michel Scot ; Bacon et bien d’autres l’avaient reprise ; mais précisément, au troisième livre de son Expositio super libros physicorum, Paul l’avait, pour ainsi dire, retournée ; il avait admis que Dieu pouvait créer d’autres mondes, hors celui-ci, et il en avait déduit l’existence d’un vide infini au-delà de la sphère suprême.

Il ajoutait, il est vrai, qu’un tel raisonnement prenait pour principe la puissance infinie de Dieu et qu’Aristote n’avait pas connu cette puissance. Ici encore, il se souvient de cette puis-

  1. Pauli Veneti Liber de compositione mnndi, cap. XXIX.
  2. Ristoro d’Arezzo, Della composizione del Mondo. Milano, 1864. Lib. VIII, cap. XXIV : Di conoscere se il Mondo è solo, o è piu mondo di fuori daquesto. pp. 323-324.