Pour expliciter toutes les richesses que les doctrines d’Oresme, de Buridan, de leurs contemporains contenaient implicitement, il fallait, tout d’abord, prendre des Mathématiques une connaissance plus complète et plus profonde que celle dont ces maîtres avaient dû se contenter ; il fallait, ensuite, disposer d’instruments et de méthodes expérimentales qui permissent d’étudier avec plus de précision les corps et leurs mouvements. Les Parisiens du xive siècle avaient, presque en tout domaine, poussé aussi avant que pouvait aller celui qui possédait seulement les éléments de l’Arithmétique et de la Géométrie et qui n’avait, pour observer. ; que ses cinq sens tout nus. Aussi mal pourvus qu’eux, leurs héritiers du xve siècle ne pouvaient aller plus loin qu’eux. Pour qu’on voie fleurir et fructifier les doctrines dont Oresme et Buridan ont jeté les graines en terre, il faudra, d’abord, qu’à la connaissance des Éléments d’Euclide s’ajoute la possession des méthodes plus savantes créées par Archimède ; ce sera l’œuvre du xvie siècle de les ressusciter et d’en retrouver l’usage. Il faudra, ensuite, que les physiciens acquièrent l’art de faire, à l’aide des instruments, des mesures précises et délicates ; cet art, c’est le siècle de Galilée qui le leur révélera. Tant que ces deux progrès n’àuront pas été accomplis, la Physique de l’École ne pourra franchir la limite que les Parisiens du xive siècle lui avaient fait atteindre.
Incapables d’émettre aucune idée nouvelle, que feront les régents de la Faculté des Arts de Paris ? Ils composeront des manuels conformes au dernier programme. Le Statut de 1452 prescrit, aux écoliers qui veulent atteindre le Baccalauréat ou la Licence, la connaissance de certains livres d’Aristote. À leur intention, on écrira des traités où, sous un volume réduit, ils trouveront les commentaires essentiels sur tous ces livres ou sur le plus grand nombre d’entre eux ; ils n’auront plus besoin, pour s’instruire, de parcourir une multitude de questions auxquelles des auteurs divers donnent des réponses variées, souvent discordantes, qu’il fallait comparer et discuter.