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toisie. Il nous faut une femme pour aller à Épernay remettre un message à von Falken. J’ai répondu de vous d’après les renseignements fournis au Service par le docteur Horn. Venez !

Une joie immense éclaira les traits de la sage-femme pendant qu’on lui donnait un sauf-conduit et surtout le Sésame suprême du mot de passe ; elle berçait sa pensée du projet d’évasion définitive.

Elle traverserait les lignes allemandes, et puis elle irait loin, très loin de France, au bout du monde. En effet, lestée d’un rouleau d’or ; volé sur le colonel, et qu’on lui remit, elle partit à deux heures de l’après-midi sur une auto militaire qui la déposa à Péronne vers cinq heures. Là, devaient commencer ses tribulations.

D’abord, elle se trompa de route, et la nuit vint sans qu’elle rencontrât autre chose que des ruines fumantes et des rues de villages déserts. Les premiers cadavres isolés qui lui apparurent au crépuscule la glacèrent de terreur. De loin en loin, éclataient à quelques cents mètres d’elle, des coups de feu qui la clouaient sur la route. Mais, les jambes fourbues, elle s’acharnait à se diriger vers le point du ciel où le dernier nuage se dorait encore d’un peu de soleil. Puis toute la nature s’enveloppa de gris clair et les champs et les bois s’animèrent sous la brise du soir. Les blés roussis par la chaleur exceptionnelle de cette année terrible ondulaient