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dans la tête de Rhœa. Vers midi, des voix rauques entonnèrent un chant qui s’harmonisait avec le bruit des talons de bottes ; et, quand cette chanson martiale se perdit au loin, un grincement nouveau fit une diversion étrange.

Il faisait une chaleur moyenne ; et pourtant il émanait de tous ces mâles en mouvement, une insupportable odeur de fièvre et de déjections. Et voilà que cette puanteur s’atténuait, et que des odeurs saines rafraîchissaient toutes les gorges.

— C’est peut-être fini ! espéra la sage-femme en courant à la baie ouverte.

Hélas ! non ; ce n’était même pas interrompu. Toujours à la vitesse de parade, la Bête ondulait ; seulement, c’étaient maintenant les cuisines roulantes qui passaient. Les cuisiniers, debouts sur leurs camions, surveillaient leurs fourneaux, pelaient des légumes et remuaient le contenu de leurs casseroles. Cela fleurait le confortable ; et le home était bien sur les grands chemins pour ces démons en uniformes ternes. Au moment où Rhœa se penchait, l’un de ces cuistots de cauchemar découvrait une énorme marmite, et, armé d’une fourchette géante, piquait dans un tas de viande. L’homme leva les yeux. Voyant une femme aux joues blêmes, il rit et proposa :

— En feux-tu ?

Et il lui tendit un poulet entier au bout de sa pique.

Un hurlement de dégoût sortit de la poitrine de