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bien le Français, l’accueillit d’un silence hautain ; mais le docteur français lui sourit et l’encouragea.

— Venez à mon aide, dit-il, je suis pressé ! Madame a son mari sur le front, ajouta-t-il en guise de présentation à son confrère ennemi.

— Celui-ci ne s’inclina pas, et son regard hostile se planta dans celui de l’infirmière avec un mépris intraduisible.

— Où combat-il ? daigna-t-il s’informer.

— Dans le Nord.

— Tans pis pour lui, car nous irons à Calais.

À partir de ce jour elle ne connut plus la douceur d’être espérée. Elle ne fut plus accueillie par des sourires et des prières, et une fois les pansements achevés, elle s’asseyait sur une chaise, et tricotait dans le bourdonnement rauque des conversations des blessés. Dans le silence des heures de garde elle vécut une vie intérieure d’une intensité magnifique. Les lettres qu’elle écrivit à son mari furent d’une telle beauté qu’elles élevèrent jusqu’aux extrêmes limites de l’héroïsme la volonté du pacifique territorial qu’il eût été par tempérament. Les nouvelles des enfants passaient après celles de la patrie et l’émulation de sacrifice qui s’établit entre ces deux bourgeois fut splendide. Quel livre d’or on pourrait écrire avec toute l’abnégation qui circula en franchise postale pendant cette guerre épouvantable.

Depuis quelques jours pourtant — en février 1915, — Mme Sylvia se sentait nerveuse ; elle demandait