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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

nature, se battraient moins pour les femmes, parce qu’ils perdraient bientôt ces fantaisies que les peuples policés se sont formés de la beauté. Dis-moi, qui fut le premier sot qui trouva une femme plus belle que l’autre ? — Les yeux, dit Ariste, certain arrangement de parties, les couleurs du teint, l’éclat de la carnation, les détails et l’ensemble qui forment la beauté. — Tu ne raisonnes pas ! la nature ne t’a pas donné ces misérables connaissances, puisque ces charmes ne sont point du goût général. Chez toi, une fille un peu maigre, un petit nez retroussé, sont ce que tu appelles un miracle ; tantôt le miracle change, ce sont les yeux chinois et les dents de Savoyard que tu cours, tes idées sont assujetties au caprice de tes modes. Dans les provinces unies, une masse de chair prodigieusement molle, deux énormes tétons, deux gros bras exactement plats, font tourner une tête hollandaise ; en Allemagne, une gorge qui commence cinq doigts plus bas, qui finit cinq doigts plus bas que les gorges ordinaires, et soixante-deux quartiers de noblesse extasient un baron westphalien. Ce goût pour la beauté varie selon les climats. On voit chez toi des hommes idolâtres, des femmes fort laides ; ton Martin Fréron trouvait feue sa moitié plus belle que Mme Lescombat.

« Toutes les femmes sont belles ; si tes yeux louches ne les trouvent point belles, ne t’en prends pas à la nature, mais à ta décence, à ta pudeur, dont les voiles importuns te cachent leur beauté.