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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Mon grand-père fit mettre ces conditions nettement dans son testament et par ce soin, il nous empêcha de nous égorger pour le sens de son testament ; tous les faiseurs de testament n’ont pas fait de même.

Aussitôt que le père Xan-Xung eut rendu l’âme, les Égyptiens, qui étaient à la cour à disputer sur des sujets mythologiques et à prouver par des arguments informâ la transsubstantiation de leurs dieux en oignons, embaumèrent mon grand-père. Depuis François Ier, aucun des enfants du bonhomme Xan-Xung n’avait essayé l’expérience de la momie ; l’article de la matière louable avait dégoûté les héritiers, personne ne voulait jouir de la grâce du Tien et des beautés du testament. Mon grand-père était oublié, comme le sont tous les grands-pères ; sa momie empaquetée avec le testament était dans un de nos vieux châteaux ; le grand tonquin de la Chine moisissait avec notre arbre généalogique ; les mites lui avaient déjà rongé le bout du nez et continuaient à le gruger aussi impitoyablement que Denis le tyran et les œuvres du grand diacre Trublet.

L’amour des lettres, le défaut de livres et le peu d’inclination que j’avais à tirer les hirondelles au vol, comme les campagnards mes voisins, me firent monter aux archives. Je trouvai le testament et la momie de mon grand-père ; quoique sa face respectable fut un peu défigurée, je ne laissai pas de trouver le bonhomme aussi cher pour un bout de nez de moins, que s’il l’avait eu tout entier. Mon cœur sensible aimait les grands-pères.