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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

des épreintes en allant au cabinet, c’est-à-dire des envies d’aller voir votre procureur ? — Assurément, je n’y allais jamais sans avoir envie. — Tant pis, c’est un mauvais signe. — Combien de fois y alliez-vous dans la journée ? — Une fois. — Signe d’une grande maladie, la grande régularité et la grande santé sont des pronostics de maladie, parce que la santé précède toujours la maladie : Sanitas ipsa morbus est : ne sentiez-vous point des inquiétudes dans les intestins ? — Je n’étais inquiet de rien, je ne m’occupais pas de mes intestins. — Très mal, grande négligence de votre part, il faut s’occuper de ses intestins ; ils sont si étroitement unis avec nous, que nous leur devons des égards ; la nature a gravé cet amour pour nos intestins sur la matière louable ; elle lui a imprimé un caractère de tendresse que nous remarquons d’un bout de l’univers à l’autre. Tous les hommes qui font leur cas en plein air, regardent toujours le cher fruit qu’ils viennent de mettre au monde ; un bon père doit toujours avoir des entrailles pour ses enfants, et aimer ses intestins. »

Mon grand-père, ennuyé des questions de M. le doyen, l’envoya militairement au diable avec toute l’énergie du règne de François Ier. La faculté ne pouvant discerner si la matière louable des anciens était préférable à celle des modernes, décida que sa nature était encore inconnue, comme toutes les maladies dont la médecine se mêle de guérir. On me donna dix louis. Je reportai mon grand-père à la maison.