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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Mes amis m’avaient conseillé de porter la momie à Versailles comme une rareté digne du Roi. Pour ménager l’argent, je pris la galiote jusqu’à Saint-Cloud : comme il y a toujours de l’extrême bonne compagnie dans cette voiture, je profitai de celle de six poissardes et de quelques femmes des Halles. Une de ces dames aperçut la momie et s’écria tout à coup : « Eh voire ! ma commère, quelle drôle de chose ! » Elles vinrent autour de moi : « Qu’est-ce que cela, notre joli Monsieur, me dirent-elles ? — Mesdames, c’est une momie. — Voire, Monsieur a pêché ça à la ligne à Montfaucon, où il a cueilli ça sur l’arbre des Branleux. Dans la forêt d’Orléans, il y a du bois qui porte de ces biaux fruits. » — « C’est apparemment, dit une autre, la tante à Monsieur ! — Il me paraît qu’il a de braves parents ; ce n’est pas, grâces au Ciel, la première de votre famille, n’est-il pas vrai, Monsieur ». — « Votre tante, dit une vieille poissarde, pêchait la main nue dans les poches ? C’est un bon métier quand Charlot ne trouble point le négoce ». — « Au reste, dit une autre, cela ne fait rien à l’honneur de Monsieur, la tante a peut-être été bien confessée ». — « Va, dit la commère Gerniffle, de cent de noyés, pas un de sauvé ; de cent de pendus, pas un de perdu. »

Une de ces poissardes parcourut plus attentivement la momie, frappée de l’inattention de ses compagnes, elle s’écria avec vivacité : « Aihe-Huri de Chayo ! Voyez-donc, ce n’est point la tante à Monsieur, c’est son grand-père, hé… Il en a pour deux