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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

harangue. En rhétorique il est permis de rester court vis-à-vis d’une jolie femme. Nous entrâmes en triomphe dans la ville. Mme Xan-Xung accompagnait l’Aoulia ; sa beauté fit un effet si prodigieux sur les organes massifs des Beaunois, que toute cette savante cité fut en combustion, et cette nuit les dames éprouvèrent la bienfaisance du bonze Dressant.

Nous restâmes un mois à Beaune. Le miracle de Langres avait éclaté en France et en Suisse. Un seigneur de la Cour, le plus aimable, le plus spirituel, était alors aux Délices avec son ami le comte de Tourné, où il avait appris la guérison du vieux président. Il passa à Beaune, voulut voir le merveilleux Dressant.

Malgré les ravages des années, le Duc avait encore ce feu de l’esprit, cette politesse qui accompagne si bien l’aménité française : « Est-ce vous, Monsieur, dit-il en m’abordant, qui possédez la précieuse relique de l’Aoulia Dressant ? Est-ce du Moufti que vous la tenez ? La Mecque commence-t-elle à avoir de l’esprit ?… Je vous dirai que j’ai besoin du secours de votre bonze ; j’ai tant joué de mes pièces, que les onze mille fétiches n’y pourraient rien ; j’ai beau remuer mon imagination par le mouvement perpétuel des tableaux de mon salon, j’ai perdu de vue mon clocher, je ne vois plus cet animal si terrible aux maris, et si délicieux pour les femmes ; on est sensible à la perte d’un ami si sensible. J’enrage de quitter une aussi bonne com-