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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

saient pour nous, se déchiraient avec une sensibilité admirable, ne rougissaient point de leurs faiblesses, haïssaient raisonnablement leurs maris, aimaient leurs amants d’éclat, les chiens et les bagatelles. » — « Les siècles des femmes se ressemblent, dit le Duc ; et les hommes ? — Nous nous faisions cocus les uns et les autres, nous ne trouvions pas les cornes plus étranges que nos fraises et nos aiguillettes, nous débutions par les filles de la Reine, nous les quittions, nous y revenions, nous allions à la fille de joie ; et quand nous étions vieux, nous médisions les femmes. — Quelle religion aviez-vous ? — Nous aimions le Prince, nous faisions notre cour, nous ne connaissions point d’autre Dieu que le Roi ; ce n’était que par ricochet que nous songions quelquefois à celui qui a fait le ciel et la terre ; à la Cour peut-on voir un autre objet que le Roi ; au fond notre culte était bon ; au défaut de la réalité, nous adorions l’usage ».

Le Duc, en nous quittant, engagea mon épouse à lui envoyer son portrait ; nous le promîmes : « Je le placerai dans mon cabinet, il fera plus d’effet que mes machines… À propos, dit-il, en nous ramenant dans la chambre, j’ai une lettre à vous remettre de M. le comte de Tourné ; c’est un vieux seigneur, qui, dans sa vieillesse, fait encore des prodiges ; son génie ne baisse point, il durera encore longtemps ; l’esprit dans les vieillards est le thermomètre de leurs jours ». Aussitôt que le Duc fut sorti, nous