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LA VILLE SANS FEMMES

Dans toutes les péripéties tristes de la vie, il y a toujours un détail qui accroît le caractère angoissant du drame lui-même. Ce voyage nous fut d’autant plus pénible que nous ne savions pas où nous allions.

Quelques-uns s’adressaient aux soldats qui nous servaient d’escorte :

— Où nous conduit-on ?

— Nous ne pouvons pas vous le dire. Mais ce n’est pas très loin, nous arriverons avant la nuit…

En effet, vers quatre heures du soir, notre train s’arrêtait au milieu d’un camp militaire. Des camions recouverts de bâches nous attendaient. On nous y fit monter. Puis le long cortège des véhicules se mit en marche, dans une route percée à travers la forêt. Plus on avançait, plus on s’enfonçait au milieu des arbres… Puis, un camp en vue. Des baraques dressées. Des fils de fer barbelés. Des sentinelles. D’autres internés, des Allemands, qui y logeaient depuis septembre 1939, semblaient guetter notre arrivée.

Enfin, nous voici dans la baraque, en pleine nuit, avec cette atroce impression d’être enfermés pour on ne sait pas combien de temps encore, ignorant tout de ceux qui nous touchent de près, sachant que ceux-ci n’apprendront que dans plusieurs jours que nous ne sommes plus près d’eux, que nous ne pourrons pas les revoir avant longtemps.

La sensation d’égarement s’accentue, s’aiguise, torture.

Je me trouve tout à coup, haletant, les mains accrochées au petit cadre de la fenêtre voilée de toile métallique, et